Guerre 1939-1945. Affiche à la mémoire des otages fusillés à Châteaubriant (Loire-Atlantique). Dessin de Simo. Le 22 octobre 1941.

Guerre 1939-1945. Affiche à la mémoire des otages fusillés à Châteaubriant (Loire-Atlantique). Dessin de Simo. Le 22 octobre 1941.

Les fusillés de Châteaubriant

Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel,
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d’amour

Ils n’ont pas de recommandation à se faire
Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus
L’un d’eux pense à un petit village
Où il allait à l’école
Un autre est assis à sa table
Et ses amis tiennent ses mains
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Ils sont bien au dessus de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là où ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n’entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu’ils ne sont plus des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.

René-Guy Cadou 
Pleine Poitrine (1946)

 

Quand il écrit ce texte, en 1941, René-Guy Cadou est encore un jeune homme. Un jeune homme sensible, apprenti poète. Un jeune homme gauche et maladroit. Mais il a un coeur et une capacité assez incroyable à ressentir et percevoir de l’intérieur des choses cachées. Cela donnera une poésie inclassable, dans laquelle on rentre ou pas.

Par bonheur, j’y suis entré un jour et ne l’ai plus jamais quitté.  Dans ce poème, il parle des fusillés de Châteaubriant, une trentaine de jeunes gens  pris en otage et fusillés en représailles de l’assassinat d’un officier allemand par la Résistance.

Ce poème a une histoire : celle de l’impuissance de René-Cadou, jeune homme, qui croisera un fourgon qui emmène les otages au supplice. Impuissance sublimée. Le poète écoute et entend, au delà l’apparence, le sens de ce qui se passe vraiment.

Cette impuissance, c’est la mienne. Un peu toi, un peu moi, un peu nous. Alors que fais-je de ma capacité à me relier, à puiser le sens et le ramener pour tous?

Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres

« Pourtant ils disent qu’ils ne sont pas des apôtres
Et que tout est simple 
»

« Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n’entendent pas
Le bruit énorme de leurs paroles 
»

Aujourd’hui 8 mai, mémoire de la victoire de 1945, souvenons-nous de la résistance à la haine sous toute ses formes: racisme, homophobie, exclusion sociale. Ce rejet de l’autre, de la différence apparente, qui n’est qu’un non-sens puisque quand j’élimine l’autre, c’est une partie de moi que je refuse.

Je salue particulièrement mes amis de confession juive, mes amis homosexuels, mes amis de toute classe sociale, tous ceux qui ne sont pas dans le camp des vainqueurs mais qui ont un coeur qui sait s’indigner.

dormeur

L’oiseau du matin chante.

Comment sait-il que l’aurore va poindre, alors que le dragon de la nuit enlace encore le ciel de ses replis glacés et noir ?

Dis-moi, oiseau du matin comment, au travers de la double nuit du ciel et des arbres, il trouva son chemin jusque dans tes rêves, le messager qui surgit de l’Orient ?

Le monde ne pouvait te croire lorsque tu t’es écrié : “Il vient, le soleil, et la nuit n’est plus.”

Ô dormeur, éveille-toi !

Découvre ton front, dans l’attente du premier rayon béni de lumière, et chante avec l’oiseau du matin en joyeuse ferveur.”

Rabindranath Tagore, in L’offrande lyrique.

source image : www.trentonthegreat.com

eden-eff

 

J’ai un secret. Amour, je peux t’appeler amour ? Pardonne-moi, c’est ça mon instinct. C’est mon identité fragile. Je t’ai dit, j’ai un secret que je confie aux dieux pour qu’ils me donnent la force nécessaire pour supporter cet insatiable égoïsme, qui devient toujours plus ingérable et troublant. Je suis tellement égoïste.

L’égoïsme c’est de posséder ton essence vitale, mais à cause de cela je ne vendrai pas mon âme au diable, parce qu’il n’est pas mon ami, oui, il n’est pas mon ami. L’amitié me rend meilleur, et lui  il n’est pas bon, il est le mal qui me transperce la poitrine.

Laisse-donc, cet égoïsme tranquille mon tout, et dors plus longtemps sans peurs, sans cette  lumière qui t’aveugle de  sa tromperie.

Ode à toi mon coeur, ode à toi mon âme, ode à toi, mon secret.

E’den Eff

 

Source (texte original et photo) : eden-eff.tumblr.com

 

Je trouve ce texte étrange et beau à la fois.

Il est prière et il est discussion avec soi-même. Est-ce bien à Dieu – aux dieux [correction demandée dans la traduction par l’auteur malgré  le singulier employé en italien] –  qu’il s’adresse ou au Soi profond, actuellement aveuglé par le sentiment d’amour ?

L’amour est  est-il égoïste?  c’est la question posée , finalement. Certes, dans la conception commune, il ne le devrait pas. Mais dans l’être ou l’objet aimé, n’est-ce pas soi-même que l’on cherche ? N’y aurait-il pas comme une perversion de l’intention ?  A moins d’admettre  qu’effectivement , c’est bien soi que l’on cherche, soi en relation, soi qui s’éveille comme Soi parce que reconnu en l’autre soi.

L’auteur parle d’égoïsme. Ce me semble un jugement sévère. En matière d’amour humain, le désintéressement total n’existe probablement pas. Il est toujours accueil et acception de soi en relation avec l’autre ou de l’autre en relation avec  soi. Que ces deux termes deviennent équivalents , soi  en relation avec l’autre et l’autre en relation avec soi, est peut-être même l’indice d’une juste et belle circulation.

J’ai un secret…je suis fait pour aimer, et je suis fait aussi pour être aimé. Je n’arrive pas à séparer les deux. Et si l’un s’exprime plus fort que l’autre , j’ai tout à coup comme le vertige et peux en perdre toute conscience de la réalité.

Quel texte étrange et beau à la fois !

 

Z.

time

S’AIDER SOI-MÊME

 

Comment arrêter le temps : embrasser.

Comment voyager dans le temps : lire.

Comment s’échapper du temps : la musique.

Comment sentir le temps : écrire.

Comment libérer du temps : respirer.

 

Matt HaigReasons to Stay Alive (Raisons de rester vivant)

 

unrealray13
Sources photo : unrealray13 et fineartamerica

contigo_a_14

CONTIGO AVEC TOI
¿Mi tierra?
Mi tierra eres tú.

¿Mi gente?
Mi gente eres tú.

El destierro y la muerte
para mi están adonde
no estés tú.

¿Y mi vida?
Dime, mi vida,
¿qué es, si no eres tú?
*
Luis Cernuda
***

Ma terre ?
Ma terre, c’est toi.

Mon peuple ?
Mon peuple, c’est toi.

L’exil et la mort,
pour moi c’est là où
tu n’es pas.

Et ma vie?
Dis-moi, ma vie,
qu’est-ce, si ce n’est pas toi ?
*
Luis Cernuda
***

Source : cristianosgays