La question m’a été parfois posée : pourquoi la nudité dans ce blog?

A vrai dire, je ne vois pas d’autre réponse que parce qu’elle a un effet libératoire. Mais pas forcément érotique. Libératoire, parce que la beauté est libératoire. Parce que la vérité, aussi, est libératoire. Peut-être après des années de déni ou de secret, la vérité de l’attirance pour la beauté d’un corps nu est-elle nécessaire? Des années de conditionnement, aussi, enraciné dans l’éducation reçue à la prime enfance, selon quoi la nudité, le sexe – mais aussi par analogie, la vérité de l’être – doivent être cachés et ne doivent pas se montrer. Parfois pas même se dire.

Au départ, cette nudité que je trouvais sur certains sites me gênait. Plus exactement, je devrais dire qu’elle me troublait, voire qu’elle m’excitait. Je m’en étais étais ouvert au mentor de ce blog, Loquito, qui m’avait répondu, en substance, qu’il y était tellement habitué qu’il ne voyait pas en quoi cela était gênant et que lui, en tout cas, n’y voyait aucune provocation. Nous touchions peut-être là les limites de la pudeur qui sont différentes pour chacun. Mais pas seulement.

Car, pour être vrai avec moi-même, j’ai du admettre que cette beauté qui m’attirait était masculine, et qu’il n’était pas forcément anormal qu’elle m’attire. Cela a été un facteur important d’acceptation de mon homosexualité.

Reconnaître que la beauté qui m’attirait était masculine, et l’assumer tranquillement. Voilà en quoi nudité, beauté et vérité sont liées.

Celant étant, cette question récurrente m’a amené à pousser plus loin ma réflexion sur ce sujet.

Il m’est apparu que la beauté que je considère, la beauté qui m’attire, spécialement quand il s’agit de jeunes hommes à l’esthétique impeccable, me renvoient encore à autre chose : la recherche d’une sorte d’idéal que je vais contempler à l’extérieur de moi. Or, si je recherche cet idéal, fait de beauté, d’idéal et de perfection, c’est que je pense ne pas le trouver en moi. Et c’est alors une quête sans fin de chercher la beauté idéale qu’on voudrait avoir pour soi (et non pas encore, en soi). Se pourrait-il que je la cherche sans cesse à l’extérieur de moi faute de croire assez que tout mon être la porte déjà ?

Puisque je la cherche et semble savoir la reconnaître en autrui, ne fût-ce que par une photo, c’est donc bien que je la connais déjà et que je la possède quelque part. Un peu comme l’artiste qui sort un chef d’oeuvre depuis son imagination et le savoir-faire propre à son art.

Donc cette beauté que je cherche et crois percevoir ici ou là n’est qu’une projection de ma beauté intérieure que je n’ai pas encore rencontrée et assumée.

Et si la beauté des éphèbes, des androgynes, ou des hommes athlétiques semble si importante dans le monde gay, c’est probablement, aussi, en rapport avec l’image de soi.

Tel cherche peut-être à se connecter avec l’idéal de sa jeunesse, au moment où tout semblait possible et où pourtant l’acceptation ou le déploiement de son homosexualité n’était pas possible ; tel autre cherche peut-être ce moment confortable de l’indifférenciation où il lui a semblé qu’avant le grand orage, tout était plus facile ; tel autre encore aimerait être l’homme parfait tel qu’on lui a fait imaginer qu’il devait être dans son rôle masculin.

Mon hypothèse est que nous recherchons à l’extérieur ce que nous avons en nous. Mais nous l’avons au delà de l’apparence, et nous avons du mal à comprendre ce hiatus entre ce que nous sommes et ce que nous voudrions être. En fait, pour comprendre ce dilemne, il faudrait juste considérer que nous ne voulons pas avoir ce que nous avons déjà, mais ce que nous sommes.

Encore et toujours l’être et l’avoir. Nous sommes et cela devrait nous suffire. Et pourtant nous cherchons à avoir quelque reflet de ce que nous sommes comme si nous avions peur que cela nous échappe, ou de ne pas l’être complètement, ou de ne pouvoir l’être que si on le possède aussi à l’extérieur de soi. Balivernes !

Alors, si j’en reviens à mes considération sur la beauté et la nudité, je confirme qu’en soi, cette dernière ne peut pas être impudique ou gênante. Elle l’est seulement dans le regard de celui qui regarde, si lui-même n’est pas au clair avec cela. Evidemment, je ne parle pas ici des poses explicitement pornographiques, mais de la beauté ordinaire d’un corps nu. Ce qui n’empêchera pas ceux qui apprécient cette beauté-là, de se demander sans cesse à quoi elle renvoie dans leur être, leur vie, leur intérieur. Telle beauté que je contemple en l’autre dit quoi de moi?

Enfin, je voudrais partager un extrait des pensées de Pascal qui éclairera un dernier point : celui de l’illusion possible de l’amour. Quand je crois aimer la beauté ou tel attribut, telle qualité, de l’autre, qu’est-ce que j’aime en fait ? Il est si facile de confondre l’autre avec ce qu’il montre, d’aimer ce qu’il montre et ne pas l’aimer lui réellement. En mode inverse (cf. la dyslexie spirituelle), c’est exactement ce qui se passe pour moi -même : parce que je ne m’aime pas assez, parce que je ne connais pas ma beauté intérieure, je vais en chercher un attribut sur un autre et croire l’aimer pour cela, dans une relation vaine et éphémère, au détriment d’une relation coeur à coeur, en vérité.

C’est archi-usé mais c’est toujours vrai, le renard du Petit Prince a définitivement raison : “On ne voit bien qu’avec le coeur, l’essentiel est invisible pour les yeux.”

Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants ; si je passe par là, puis-je dire qu’il s’est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus.

Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m’aime-t-on, moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’âme ? et comment aimer le corps ou l’âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont périssables ? Car aimerait-on la substance de l’âme d’une personne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualités.

Pascal, Pensées diverses III – Fragment n° 41

Source photo : hotzila.tumblr.com

 

tendresse

 

Je ne vais pas le cacher,
j’ai besoin de tendresse.

Je sais bien que ça paraît bête,
en tout cas, que ce sont des choses qui ne se disent pas.

Mais j’ai besoin de tendresse.

Toute celle que je n’ai jamais vraiment reçue,
d’abord dans mon enfance,
et puis celle que je ne me suis pas autorisée à recevoir,
celle que j’ai fait semblant de recevoir,
celle que j’ai cherché en vain dans des impasses-relations.

C’est si simple et si terrible à la fois.

Ce besoin de tendresse
qui vient du fin fond de l’enfance,
de l’endroit, du moment,
où elle aurait du être reçue naturellement
et où elle s’est échappée, s’en est allée…

Cette tendresse primale,
qui lorsqu’elle est reçue de manière innée
donne l’assurance tranquille
dont on aura besoin dans la vie.

On pourra avancer
avec le droit d’être vivant,
la certitude qu’on doit être là,
et que rien ne peut nous l’enlever.

J’ai besoin de cette tendresse
qui rassure, qui conforte, qui construit, qui crée.

C’est terrible.
Je n’ai pas le droit de la demander, l’exiger, et même l’espérer
de quelqu’un qui n’est ni mon père, ni ma mère.

D’un ami, un amant, un amoureux,
puis-je demander ou espérer cette tendresse?

La seule qui vaille,
la seule dont j’ai besoin.

Alors, qu’elle vienne d’un homme ou d’une femme,
vous comprenez,
quelle importance?

Quand on n’a pas été assez aimé,

– et je dis cela sans qu’il y ait aucun jugement ou reproche
envers celle qui a fait ce qu’elle a pu avec ce qu’elle était
et ce qu’elle connaissait de la vie –

quand on n’a pas été assez aimé,
quelle importance d’être homosensible
ou homosexuel ?

On se ré-assure comme on peut.

L’important, c’est d’être vivant,
c’est de savoir qu’on a le droit d’être là.

Et si l’Être féminin ne nous l’a pas dit, pas montré,
parce qu’il ne savait pas le faire,
n’est-ce pas normal que l’Être masculin
vienne compenser et dire :

Tu es vivant,
Tu es là.

Tu as le droit d’être là,
tu es même le bienvenu.

Oui, ça n’est pas facile,
pas toujours facile,

Mais tu as le droit de te sentir aimé,
car tu l’es véritablement.

Et si ton entrée dans la vie
n’a pas fait que tu le saches
et en sois convaincu au point de n’en jamais douter,

il est normal
– que dis-je il est naturel !
que tu recherches d’abord cela.

Tu y as droit.

Tu dois savoir que tu es aimé.

Et si les yeux, les bras, les lèvres,
qui doivent te le dire sont masculins,

Accueille,
accueille sans honte ni culpabilité.

Car ce qui est premier, c’est cela:
tu dois savoir que tu es aimé.

A cette condition,
à cette condition seule,

Tu sais que tu es vivant

Et que c’est pour la vie éternelle.

Z – 18-11-2016

michelgiliberti-prisons

– Pourquoi l’aimez-vous?
– Parce que je me retrouve en lui.
– Est-ce impossible de se retrouver en soi ?
– Je ne songe jamais à ça… se retrouver chez l’autre est plus exaltant.
– Pourquoi ?
– Ça rend plus indulgent.
– C’est à dire ?
– C’est comme son reflet dans un miroir, à force d’étudier des pauses qui conviennent, on finit par s’accepter.
– Et les photos ?
– Toujours loupées… elles sont trop vous. Difficile d’expliquer en quoi le mensonge organisé est plus réel que toutes les vérités spontanées.
– Et quand on n’aime plus ?
– Vous ne vous retrouvez plus dans l’autre, c’est tout. Faut chercher un nouveau miroir. C’est un peu comme si son reflet grandissait au point de vous faire de l’ombre !
© Michel Giliberti

 

Source texte : http://michelgiliberti.com Michel Giliberti

Source photo : Prisons, peinture de Michel Giliberti (lire ici l’intéressante histoire de ce tableau)

Dieu-seul-sait

God only knows (The beach boys)
by Choir! Choir! Choir !

I may not always love you
But long as there are stars above you
You never need to doubt it
I’ll make you so sure about it

Il se peut que je ne t’aime pas pour toujours
Mais aussi longtemps qu’il y aura des étoiles au dessus de toi
Tu n’auras jamais à en douter
Je te donnerai tant de certitudes à ce sujet

God only knows what I’d be without you
Dieu seul sait ce que je deviendrais sans toi…

Dieu seul sait ce que je serais sans toi…

If you should ever leave me
Though life would still go on believe me
The world could show nothing to me
So what good would living do me

Si jamais tu devais me quitter
La vie continuerait, crois-moi
Mais le monde n’aurait plus rien à m’apporter
Alors à quoi de bien me servirait de vivre

God only knows what I’d be without you
Dieu seul sait ce que je serais sans toi

Source photo : João Gabriel Vasconcellos et Rafael Cardoso dans le film Jamais sans toi