Des prêtres gays…Oui ça existe. Difficile de dire dans quelle proportion, mais comme le rappelle le sociologue Josselin Tricou dans l’interview ci-dessous, on peut estimer qu’ils représentent environ 50 % du clergé en Occident.

En fait, rien de bien nouveau à cela, l’Eglise a servi de “placard” (pour reprendre l’allusion à la sortie du placard qu’est un coming out) à de nombreux jeunes hommes attirés par les autres hommes, pendant des siècles. Non sans débats, non sans déni, non sans conflits. Qu’on pense par exemple, au Moyen Âge, à l’évêque Ives de Chartres suppliant, horrifié, son jeune collègue Jean d’Orléans d’arrêter sa vie de “débauche” avec un 3eme évêque…

Cette propension à accueillir et sur-représenter les personnes homosexuelles dans le clergé est assez facile à comprendre. Dans une société largement homophobe et où le mariage semble la seule vocation laïque possible, il ne reste, si l’on n’est pas attiré par l’autre sexe, qu’une solution : entrer dans le clergé ou dans un ordre religieux, et à tout le moins, comme célibataire, sublimer, assumer ou dissimuler sa préférence pour les hommes. Ce processus a duré jusqu’à la période récente et nombre de jeunes gens, authentiquement chrétiens mais non attirés par le mariage ont pu croire de bonne foi être “faits” pour une vocation religieuse faute de pouvoir s’assumer socialement dans le mariage hétérosexuel.

Tribu, 26.10.2018, 11h04
Lʹhomosexualité dans lʹéglise

Il y a toujours eu des prêtres homosexuels au sein de lʹEglise : comment sont-ils perçus? Comment lʹEglise gère-t-elle ce paradoxe? En particulier, comment peut-elle se positionner par rapport aux prêtres homosexuels à lʹheure du mariage gay? Nous recevons le chercheur Josselin Tricou, auteur dʹune enquête sur les pratiques et paradoxes de lʹEglise autour du thème de lʹhomosexualité.
www.rts.ch

Ca ne fait pas forcément des mauvais prêtres mais, c’est sûr, d’une part ça crée une surreprésentation dans le clergé et, d’autre part, cela peut créer une fragilité affective chez certains qui, s’ils avaient pu assumer leur préférence sexuelle socialement, n’auraient peut être pas fait le choix de la prêtrise. De plus, il est important de préciser que tout cela se fait sur fond de silence, de déni et de sublimation. La plupart des hommes gays qui se sont engagés dans une vocation religieuse n’ont eu ni formation ni information nécessaires sur le sujet, à une époque où, pour en rajouter, il n’est pas certain que, à l’heure de leur engagement, ils avaient une maturité affective suffisante.

Dans son interview, Josselin Tricou a le mérite de poser les bonnes questions, sans polémiques inutiles, soulevant à la fois le cas de la grande souffrance que cela peut occasionner pour ceux qui cherchent à rester fidèles à leur engagement selon les lois officielles de l’Eglise et le cas de ceux qui assument, avec plus ou moins de dissimulation, de culpabilité ou de fatalisme, d’avoir une double vie. Et parfois pas seulement une double vie, carrément une double identité. Homosexuels, parfois assumés, d’un côté et homophobes en chaire pour défendre le discours officiel et l’institution dans laquelle ils croient ainsi trouver un équilibre. Equilibre qui – veulent-ils croire – serait compromis si on se mettait à admettre que l’homosexualité peut exister.

Que faut-il penser de tout cela ? Que faut-il souhaiter? La question est posée à Josselin Tricou et je trouve sa réponse intéressante. Pour lui, même si les fidèles seraient prêts aujourd’hui à accueillir cette réalité en transparence, la marche à sauter semble trop haute pour les membres du clergé pris collectivement, et les révélations de l’homosexualité de tel ou tel ont eu l’effet exactement inverse de faire se replier l’institution et tous ceux que cela concerne vers plus de silence encore. Plus de silence, donc plus de déni, plus de combat intérieur, plus de souffrance. Et faut-il le dire plus d’écart avec la vérité, ce qui me semble l’essentiel.

Comment avoir une vie spirituelle authentique sans être en vérité avec soi-même et avec son prochain? Comment dans un monde éclaté, dispersé, individualiste, multiculturel, mais aussi assoiffé d’authenticité et d’unicité, témoigner auprès des autres, et notamment des personnes homosexuelles mais au delà de toute personne non reçue dans son identité, de Dieu qui nous aime tels que nous sommes et même nous suscite toujours plus, de l’intérieur, à être ce que nous sommes, si cela n’est pas vrai, visible et vérifiable chez le témoin? Où est la Bonne Nouvelle de la Libération si celui qui s’en porte garant n’est pas libéré? Et, oui, y compris dans son affectivité et son orientation sexuelle…

Il n’est pas certain, du coup, que la réponse puisse venir de la sphère cléricale, elle semble trop partagée entre le respect d’une convenance pluriséculaire (“convenance” parce que, vu que c’est davantage mortifère que vivant, j’ai du mal à dire “tradition”) de se taire sur le sujet et présenter une face idéalisée, et la cohérence entre ce qui est annoncé et ce qui est su et vécu de l’intérieur.

Vu qu’il y a de moins en moins de vocations presbytérales (pour d’autres facteurs dont certains sont liés, sur fond d’adéquation du modèle institutionnel à la société réelle), peut-être cela résoudra de soi-même ? Ou bien peut-être est-ce du peuple de Dieu que cela doit venir, usant de son fameux sensus Dei, de laïcs, des chrétiens non clercs qui ont déjà fait le chemin? Ou bien peut-être, tous les ruisseaux se rejoignant en un flux cohérent faut-il traiter tout à la fois de la famille, de l’homosexualité, de la sacramentalité (mariage, ordination) et d’ecclesialité, la réponse à une des questions de chacun de ces sujets entraînant ipso facto de multiples interrogations et répercussions sur les autres domaines?

Il y a quelque temps, un prêtre américain – un parmi tant d’autres – avait voulu faire oeuvre utile en quittant le ministère pour cause d’homosexualité et proposer quelques pistes pour aider à avancer sur la question de l’accueil des personnes LGBT par l’Eglise. Pas sûr qu’il ait été entendu mais l’initiative était intéressante et c’est une pierre parmi d’autres. Ses propositions qu’on retrouve sur www.thedailybeast.comsont au nombre de quatre :

1. Suspendre toute déclaration non bienveillante à l’égard de la population LGBT et notamment la remise en cause ou la contestation de l’expérience des personnes LGBT quand elles disent l’expérience qu’elles ont d’elles-mêmes.

2. Que la Conférence des Evêques crée une commission ad hoc pour réfléchir à la mise en place de l’inclusivité LGBT à tous les niveaux de l’Eglise, à commencer par les codes et éléments de langage.

3. Relire et corriger les documents ecclésiaux qui traitent de la pastorales des personnes homosexuelles de telle manière qu’elles ne soient pas traitées comme une espèce à part, mais comme des personnes humaines à accueillir telles qu’elles sont, sans parler d’inclinations homosexuelles ni de comportements intrinsèquement désordonnés par exemple.

4 Former résolument les dirigeants ecclésiaux, prêtres et laïcs, à l’acceptation de soi (incluant l’acceptation pacifiée de son homosexualité) et à une vie plus authentique

Ca n’est peut-être pas très ambitieux, mais je trouve que ce serait déjà un beau début.

Photo : www.thedailybeast.com

« Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt.
Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges ; ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi. Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul maître pour vous enseigner, et vous êtes tous frères. »
(Mt 23,2-8)

 

Ils élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges. Encore une affaire de vêtement ! pourrais-je paraphraser en reprenant le titre d’un post déjà publié. C’est qu’il s’agit encore des vêtements des scribes et des pharisiens, dont on a bien compris, à travers les écrits évangéliques, que Jésus se moque de l’apparence.

Mais, premier point, il ne se moque que de l’apparence, pas du contenu.Ils enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le.” Mais ils disent et ne font pas, ils édictent des règles qui ne sont que des fardeaux – sans fondements ? – qu’ils font porter aux autres. ils se drapent des habits de la Loi et s’en vantent, ils sont fiers, ils pavanent sur les places publiques, cherchant la reconnaissance et les honneurs.

Mais les honneurs de quoi ? Ils ne sont que les serviteurs de la Loi, ses médiateurs, ses interprètes pour que chacun reçoive à chaque génération et chaque jour et en chaque culture, la Promesse de Libération dévoilée dans la geste de Moïse libérant le peuple de la servitude et servant l’Alliance sainte avec le Dieu intime, Celui-là qui sait parler au coeur de l’homme, lui murmurer son nom, lui donner la force, le courage, l’estime de lui pour accomplir sa mission. Je ne dévie pas du sujet, notre imaginaire est trop marqué par les épisodes difficiles du désert et les colères fantastiques de Moïse, si bien interprétées par Charlton Heston ou Burt Lancaster. Mais avant cela, autre que cela, il y a toute l’histoire de la rencontre de Dieu avec Moïse.

Rappelons-nous que Moïse, c’est d’abord cet hébreu élevé à la cour de Pharaon, touché par la misère des siens, capable de s’indigner face à l’injustice jusqu’à commettre un meurtre, et s’enfuir, honteux et pitoyable pour sauver sa vie. Dieu était déjà dans son coeur et il ne le savait pas encore. Dieu était au coeur de sa colère, de son combat et de sa générosité, mêmes fougueux et dispropotionnés. Il est également dans sa repentance et son désert personnel, sa vie simple et tranquille avec des valeurs autres que le prestige et les honneurs de la cour. Et évidemment Dieu est aussi au coeur de cette rencontre sur le mont Sinaï, rencontre toute de douceur et d’intimité, dans laquelle Dieu se donne tout entier par son Nom et son Être. Révélation. Dieu se donne, Dieu, est l’inspirateur de mon sentiment de justice, Dieu libère…

Du coup, si Jésus se moque de l’apparence des scribes et pharisiens, comprenons qu’il demande à ce que soit respecté le contenu de la Révélation, “l’enseignement de Moïse”. De la même manière qu’ailleurs, il dit ne pas être venu pour abolir la Loi mais pour l’accomplir. Accomplir quoi? Cette Promesse de Dieu de faire grandir l’humanité, d’assouvir sa soif de paix et de justice, et de le faire par la “Rencontre” personnelle avec le Dieu vivant. Ca, oui, il faut le garder et l’observer, sans cesse le vivre et l’approfondir.

Mais ces scribes et pharisiens qui se drapent dans les habits de la Loi n’ont rien compris. Ils s’habillent et se comportent comme s’ils étaient la Loi elle-même, comme si le fait de la connaître intellectuellement et savoir la transmettre leur conférait une quelconque importance. Ils induisent ainsi le peuple dans l’erreur, suggérant par leur attitude que Dieu ferait des différences entre ceux qui “savent” et ceux qui “ne savent pas”. Pire, ils s’isolent, derrière leurs beaux phylactères et leurs manteaux à frange, laissant croire aux autres que Dieu leur est inaccessible, qu’ils seront toujours en dehors, et puis jugés à décharge et forcément condamnés comme incapables d’appliquer les lois qu’ils professent. Or ces lois, non seulement ils ne les appliquent pas eux-mêmes mais en plus, pour la plupart elles ne viennent pas de Moïse, et quand elles viennent de Moïse (des cinq Livres de la Torah), elle s’appliquent à des contextes bien précis qu’il s’agit d’adapter à chaque nouvelle situation, conformément à la grande tradition de la transmission judaïque jusqu’à aujourd’hui. Car la Parole de Dieu est promesse créatrice, à l’oeuvre en tous temps en chaque coeur attentif à la laisser résonner en lui.

Ils élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges. La formule est intéressante. Les phylactères sont ces morceaux de parchemin, portés, par les juifs, sur le front ou le bras et contenant un verset biblique, moyen de se mettre en valeur, de se montrer comme se réclamant de la Loi divine. Ils se réclament d’une Loi dont ils s’érigent en spécialistes alors que, pris dans le tourbillon des applications procédurales de tous les cas de figure, ils en ont vidé l’Esprit.

Je voudrais m’attarder plus longuement sur les “franges”. Le mot grec employé par l’évangéliste est kraspedon, qui désigne les franges ou les bords du vêtement, et plus spécialement ces bouts de laine, assortis ou non de pompons ou de bouts tissés, autant d’accessoires sensés rappeler la Loi. Au demeurant, en faisant cela les scribes et les pharisiens appliquent à la lettre la Loi de Moïse telle qu’elle est exprimée en Nombres 15,38-41 et Deutéronome 22,12 : « Tu mettras des franges aux quatre coins du vêtement dont tu te couvriras ». Il est cependant clair que cette loi n’a rien à voir avec les 10 paroles reçues au Sinaï (les 10 “commandements”); ici, il s’agit d’un ensemble de prescriptions que la Bible dit données par Moïse au peuple suite à ses divers manquements, rebellions ou hésitations. Toutes ces règles, y compris celles qui codifient les vêtements ont pour but de signifier la sainteté de Dieu et du peuple qu’il s’est choisi. Toutes ont pour but d’aider à se rapprocher de Dieu, certainement pas celui de séparer et d’empêcher l’accès à Dieu.

Dans un article intéressant sur ce sujet, Le Monde de Demain précise : “À l’époque de Jésus, les pharisiens avaient déjà établi des règles sur la forme (rectangulaire) de ces vêtements, et sur la façon de fixer et de porter les franges. Cette sorte de cape était l’ancêtre du châle de prière, porté aujourd’hui par de nombreux pratiquants du judaïsme rabbinique. Les sources rabbiniques décrivaient cinq catégories de vêtements et d’accessoires que devait porter un Juif : ses chaussures, son couvre-chef, sa tunique, sa ceinture et ses sous-vêtements.

Le même article rappelle fort à-propos que ces franges étaient le rappel de l’Esprit de Dieu, on pourrait même dire de la Puissance de Dieu qui s’exprime et crée par la force de sa Parole créatrice. On comprend alors que Jésus s’en prenne à ceux qui usurpent cette puissance et l’utilise pour eux-mêmes au lieu d’aider le peuple à y trouver son réconfort et à en vivre. Un peu plus loin de le même chapitre, Jésus traite d’ailleurs les scribes et pharisiens d’hypocrites, d’engeance de vipères, avides de convertir des gens à leurs vues pour ensuite les culpabiliser par leurs manquements à observer les règles qu’ils ont édictées. En clair, il leur reproche de détourner la Parole de Dieu de son véritable objet.

L’article suppose également que Jésus portait les mêmes vêtements en usage en son temps, notamment quand il enseignait au Temple, et donc probablement ce vêtement à franges. A mon avis, cela n’est pourtant pas acquis du tout pour plusieurs raisons. La première est que Jésus s’est toujours montré libre par rapport aux usages de son temps (il parle à une Samaritaine, ses amis prennent du blé dans les champs, etc.). Ensuite, il s’en prend directement à ceux qui ont ce genre de pratiques, les scribes et pharisiens, pour s’en démarquer justement, et il est clair que Jésus n’est pas pharisien. Peut-être y a-t-il franges avec fioritures et franges toutes simples? Mais rien n’est précisé, nulle part les évangélistes ne s’attardent sur des vêtements rituels qu’aurait porté Jésus ; donc, n’inventons pas.

Cependant, il est très intéressant de noter que le même mot kraspedon est utilisé à plusieurs reprises pour désigner le bord du vêtement de Jésus (Mt 9,20 ; 14,36 ; Mc 6,56 ; Luc 8, 44). Et à chaque fois, il s’agit du geste de toucher le bord (les franges) du vêtement de Jésus pour être guéri. Qu’il y ait ou non des franges au vêtement de Jésus, cette proximité lexicale nous incite de toute façon à faire le rapprochement.

Mais toucher le bord ou les franges du vêtement de Jésus ne se fait pas du tout de la même manière que l’usage qu’il dénonce. D’abord, il ne s’en prévaut pas, ne les étale pas. Ensuite, c’est presque subrepticement que son manteau est touché par ceux qui reconnaissent en lui, vraiment, le Fils de Dieu, celui qui est habité par l’Esprit de Dieu. Il y a donc un enjeu clair de reconnaissance de la messianité De Jésus : eux, les scribes et les pharisiens, ils parlent,ils paradent mais ne sont pas habités – ne les imitez pas ! Lui, il parle, voyage, rencontre les gens dans leur humanité et ils LE reconnaissent comme Celui qui est habité par l’Esprit de Dieu, l’Oint, le Messie.

C’est en Luc 8,44 que le côté “subreptice” est le plus évident : une femme hémorroïsse s’approche par derrière, sans rien dire et touche le bord (kraspedon) du vêtement de Jésus. Le récit nous indique qu’elle guérit immédiatement de sa perte de sang mais surtout que Jésus sent comme une perte d’énergie, une force (dunamis) sortir de lui (Lc 8,46). Le reste de ce passage est également instuctif, Jésus se préoccupe de savoir qui l’a touché et la femme toute ‘tremblante”, nous dit le texte, reconnaît que c’est elle. Jésus, Fils de Dieu, incognito parmi les hommes, a alors cette formule bien connue, souvent reprise dans les Evangiles et que chaque croyant aimerait s’entendre à lui appliquée : “Ta foi t’a sauvée, va en paix !” (Lc 8,48)

Ta foi t’a sauvée“. Voilà bien l’enjeu. Si les scribes et pharisiens se décorent, pavanent, se montrent hautains et distants, comment les personnes du peuple auront-elles accès à Dieu? Jésus, lui, ne se prévaut pas d’une quelconque dignité (cf. Phil 2), il est l’un du peuple, il marche parmi le peuple. Il se rend accessible à tous et à chacun parce que c’est réellement le plan de Dieu que d’être accessible à tous et chacun.

Mais encore, pourquoi passe-t-il comme “incognito”? Pourquoi n’a-il pas un énorme phylactère sur le front qui serait haut comme deux étages et des franges qui volent au vent?… C’est que, SERIEUSEMENT, il s’est fait l’un d’entre nous. Cela le rend accessible et certains peuvent le reconnaître, oui. C’est bien, oui, mais Jésus demande souvent la discrétion à ce sujet, parce qu’il ne vient pas en Super-Héros, magicien ou Merlin l’Enchanteur, avec des franges magiques qui viendraient tout arranger…Non, mais…L’avez-vous envisagé SERIEUSEMENT ? Il s’est VRAIMENT fait l’un d’entre nous. Ce qu’il montre de lui, dans son humanité, c’est ce qui nous est offert à tous, à chacun.

Il n’y a plus de frontières qui tiennent entre Dieu et les hommes. Dieu habite au coeur de tous les hommes de bonne volonté qui se tournent vers lui.

Alors bravo à toi la femme hémorroïsse qui as cru que Dieu , en Jésus, est venu jusqu’à toi et qui as pu en toucher le bord du manteau, un bout de sainteté, et t’en es trouvée transformée. Mais en vérité, si tu l’écoutes, la reçois, la nourrit, cette sainteté est déjà en toi ! Jésus réconcilie l’homme avec Dieu non pas parce qu’il vient de l’extérieur dire quoi faire mais parce qu’il révèle que Dieu est déjà dans le coeur de l’homme et que son Esprit est déjà à l’oeuvre en quiconque l’accueille avec sincérité.

Les franges des scribes & pharisiens, les catholiques et l’homosexualité

J’en viens à un sujet plus polémique sur lequel j’espère ne blesser personne. Le pape François a soulevé d’énormes espérances par cette simple petite phrase à propos des homosexuels : “Qui suis-je pour les juger ?” Or, les résistances sont grandes au sein des communautés catholiques, clergé et paroissiens compris, pour entendre que la foi et la vie en Eglise n’est pas d’abord un ensemble de prescriptions juridiques ou morales à suivre, mais une vie fratenelle dans laquelle nous nous aimons, soutenons et exhortons les uns les autres dans l’Esprit d’amour du Seigneur Jésus.

Quand je reçois ce passage concernant les scribes et pharisiens, qui élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges, qui disent et ne font pas, qui font porter de lourds fardeaux aux autres pour “mériter” le ciel, comment ne pas penser à mon Eglise Catholique et à ces clivages qui la traversent depuis les débats autour du “mariage pour tous”, entre un clergé et parfois un magistère local qui condamnent vertement et sans nuances et des attitudes pastorales, douces, bienveillantes de nombreux pasteurs ? Comment ne pas penser aussi à cette hypocrisie dans laquelle sont engoncés de nombreux pasteurs qui doivent afficher formellement leur accord avec une doctrine encore officielle qu’ils ressentent pourtant comme inadaptée, injuste et non conforme à leur conscience ? Comment ne pas penser aux prêtres et religieux qui ont découvert ou accepté leur orientation sexuelle sur le tard – après l’idéalisation de la jeunesse et les années de de séminaire ou de noviciat – et qui se sentent écartelés, partagés, blessés, entre ce qu’ils découvrent d’eux-même, leur désir d’être vrai avec le Seigneur et ce qu’en dit ou montre leur Eglise? Comment ne pas penser aussi à ceux d’entre eux qui ont franchi le pas, parfois, d’avoir une double vie pour assumer leur besoin de tendresse? Et parmi ceux-ci, ceux qui cherchent une vie stable avec un compagnon qui leur apporte le complément que leur statut, nos communautés, l’Eglise, ne sait pas leur donner alors qu’il le vivent dans leur chair comme un besoin vital sans lequel ils meurent ou s’étiolent, se vident de leur existence ; ceux-là donc, mais aussi ceux qui ne peuvent plus tenir dans leurs voeux de chasteté et de continence et qui se laissent aller à une vie secrète et débridée où le sexe rapide devient l’échappatoire à leurs frustrations affectives?

Oui, comment ne pas y penser? Sans juger. Quiconque en est là est victime d’un terrible quiproquo de lui-même avec lui-même dont certains le pensent peut-être coupable mais dont il est d’abord la victime. L’isolement dans le ministère, les idéaux de jeunesse et le manque de maturité, le déni de l’homosexualité et le mauvais accompagnement durant les temps de discernement vocationnel et de formation, mais aussi la discipline actuelle de l’Eglise si loin de la réalité humaine et pastorale de nos contemporains – y compris de ceux qui exercent un ministère – ont conduit à tout cela.

Le plus douloureux pour moi, c’est de constater cette situation étrange où sont certains qui, le jour, sont chargés – ou se croient chargés – de réprouver l’homosexualité (attention, pas les personnes, hein ! seulement les actes !) et s’en acquittent fort bien, et, la nuit, ont une vie homosexuelle plus ou moins assumée, pas forcément épanouissante, loin de l’humanisation à laquelle ils aspirent à laquelle ils auraient pourtant droit… Le jour, la nuit… “Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens” dit l’Evangile de ce jour… Le jour, la nuit… Comme ce théologien du Vatican, membre d’uns commission théologique prestigieuse, dont l’objectif est de garder la norme catholique (dont la norme hétérosexuelle) et qui vit une double vie en parallèle pendant des années. Je ne nie pas le côté douloureux qu’a dû vivre cet homme dans son écartèlement, et combien son coming out et son retrait du presbytérat ont dû être libératoires, mais est-ce que personne ne voit avec moi que cette situation est anormale – parce que déshumanisante pour tout le monde – et ne peut pas durer ?

J’ai mal à mon Eglise, parce que des gens souffrent, se blessent, mentent, se perdent dans toutes sortes de nuits alors qu’ils sont sensés indiquer la lumière. Peut-être que les normes disciplinaires, morales, mais aussi sacramentelles, ne conviennent plus aux temps qui sont les nôtres. D’ailleurs nos phylactères et nos grandes franges n’intéressent plus grand monde. Ce que cherchent nos contemporains, ce ne sont pas d’abord des règles, procédures et normes juridiques, ce qu’ils veulent c’est trouver du sens à leur vie quelle que soit leur condition de vie, être rencontré par quelqu’un qui, indépendamment de son vêtement, est habité par le Dieu de miséricorde et de justice.

Certains parmi mes lecteurs sont concernés par les questions que je viens de soulever. J’espère ne pas les blesser et si c’est le cas, j’en demande pardon. Mon propos n’est certainement pas de juger et encore moins de condamner. Je sais trop, pour me l’appliquer à moi-même qu’on en est là où on en est. Non, je respecte toutes ces situations. J’alerte juste sur le fait qu’elles ne “devraient” pas exister et donc qu’elles nous invitent à penser une nouvelle manière de fonctionner qui incluent les situations qui sont aujourd’hui rejetées de fait par nos grands phylactères. Ma foi en Jésus-Christ me fait affirmer que chacun, prêtre ou non, a droit au bonheur et que nous en sommes, nous chrétiens, les témoins. Alors j’appelle de mes voeux une prise de conscience et une réforme dans l’Eglise Catholique qui permettrait de sortir des logiques identitaires et de la reproduction à l’identique pour passer à une approche pastorale telle que le Christ nous l’a montrée quand il parcourait les routes de Palestine et d’Israël sans se préoccuper de savoir si les franges de son vêtement – c’est-à-dire de son humanité – étaient aux normes.

Z- 5 nov 2017

 

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Nota Bene: Il y a quelque temps, quelqu’un (un prêtre?) m’a demandé si je pouvais publier mes commentaires bibliques avant la fin du jour où ils sont proposés à la liturgie. Je m’étais promis d’essayer mais, d’une part, ils sont souvent le fruit de ma propre méditation le jour même, et, d’autre part, le temps de l’écrire et publier…le jour ou les jours passent. 🙂 Désolé… Avec mon emploi du temps actuel, je ne peux pas prendre l’engagement de publier à l’avance selon une temporalité définie. Mais je remercie ce lecteur attentif et attentionné, qui se reconnaîtra.

Source photo : photo Israël sur cadenaser.com

Justin-Bieber-officiant

En ce moment, circule sur les réseaux sociaux un texte intitulé Un curé sur catalogue. Fort beau texte, joliment écrit, prenant. Je ne peux pas m’empêcher de me laisser entraîner: c’est beau, c’est dynamique, c’est plein de sens et de générosité.

On nous dit que le texte a été écrit par une mère de famille, sœur de deux prêtres et qu’il paru initialement sur le Blog du padre, précision qui n’apporte rien au texte. Est-ce que le grand âge d’une dame, aussi respectable soit-elle, et le fait que des membres de sa famille se soient engagés dans l’Eglise, lui donnent plus de poids ou de légitimité? C’est sûr, je n’aime pas cet argument.

Bon, le texte est beau et je me laisse entraîner, je l’ai déjà dit. Et pourtant, au total, je suis gêné. Je sens qu’il y a quelque chose qui cloche mais, dans un premier temps, je ne sais pas quoi.

Je relis donc le texte, attentif d’abord à ce qui me séduit. Et là, c’est facile, cette verve, ce côté redresseur de torts, empreint à la fois d’humilité et de courage, ce côté vieux scout, en fait… Ah ça me rappelle des souvenirs ! Combien d’auteurs je pourrais appeler à la rescousse avec ce sens de la formule comme un étendard qui claque, qui fait de sa fragilité une force, avec un zeste d’assurance, de certitude, d’insolence, peut-être.

La fin surtout, sur le modèle de la célèbre prière de Mère Teresa de Calcutta sur la vie, claque au vent :

« Le prêtre s’use quand il ne sert pas » : demandons lui les sacrements.
Le prêtre est faible : servons-le !
Le prêtre est pêcheur : aidons-le !
Le prêtre est consacré : respectons-le !
Le prêtre est notre frère en Christ, aimons-le… en Christ !
Les ouailles sont perdues : éclairons-les… avec le Christ !
Les ouailles sont en manque : montrons-leur le Christ !
Les ouailles sont pauvres : offrons-leur le Christ !
Les ouailles sont absentes : apportons leur le Christ !
Lui qui luit le jour et la nuit !
Dieu seul suffit !

Mais bon,je ne suis pas convaincu, je dois l’avouer. Alors, pourquoi ? Oui, pourquoi… Eh bien, il me semble que c’est parce que l’arrière fond de ce beau texte repose sur une ecclésiologie qui me paraît d’un autre temps. Car, finalement, même si le texte veut servir à réconcilier prêtres et laïcs par un double discours : aux uns, les prêtres sont faibles, n’abusez pas ; aux autres, ne vous prenez pas pour des super-héros et ne vous tournez pas en ridicules, n’abusez pas ! – eh bien, même en faisant cela, ce texte reste d’un autre temps.

Quelle conception de l’Eglise soutient-il inconsciemment? Quelle conception du prêtre ? Quelle conception du peuple de Dieu? Quelle conception de l’invitation du Christ à se convertir et à changer de vie?

Dans les premiers temps de l’Eglise, la communauté choisissait l’un des siens pour l’aider à s’organiser et à prier, à ordonner tout ça. D’où le mot ordination. Ca n’était pas un privilège, ça n’était pas le signe d’une élection divine, c’était d’abord l’appel de la communauté chrétienne à l’un des siens pour la servir.

Bien sûr, il y avait des précautions à prendre. Ce n’était pas le premier venu qui était choisi. On prenait un ancien, quelqu’un qui avait vécu et avait de l’expérience, quelqu’un de sage et de prudent, quelqu’un qui n’entrait pas dans les conflits d’intérêt et savait se faire apôtre de la paix et du partage.

Maintenant, je sais ce qui me gêne dans le texte dont je parle : c’est que, même en invitant chacun à être raisonnable pour que ça marche bien, il s’appuie sur une conception du prêtre que je ne partage pas et qui semble aujourd’hui de plus en plus passée. Un prêtre, serviteur de l’institution et dont le principal travail serait de faire venir du monde dans sa paroisse et d’administrer les sacrements ne m’intéresse pas. Car cette attitude ne me parle pas, ou plus, du Seigneur Jésus.

En d’autres temps, déjà, le pape Paul VI avait prévenu que ce monde n’avait pas besoin de donneurs de leçons mais de témoins de la lumière. Pas besoin d’être prêtre pour cela, pas besoin de vouloir concilier les deux comme si le ministère de prêtre rendait plus proche de Dieu. Le prêtre n’est pas d’abord un spécialiste de Dieu ou un élu. Il est un serviteur de la communauté. Cela veut dire qu’il l’aime, qu’il l’écoute, qu’il la cajole, qu’il la sert. Pour respecter l’esprit des temps apostoliques, probablement faudrait-il aussi qu’il en soit issu, qu’il la connaisse de l’intérieur, cette communauté. Et évidemment, vu la raréfaction des troupes dans les paroisses et la tendance à ce qu’une seule ligne ne reste, monolithique et vieille France, on est un peu mal barrés…

Et pourtant… Et pourtant, ici ou là, Dieu parle encore à des coeurs purs. Certains seront prêtres, d’autres  non, mais l’amour du Seigneur brûle en leurs coeurs. Ils ne sont pas à leur propre service, ils ne sont pas, non plus, au service d’une autorité supérieure, ils ne sont pas au service d’une conception de Dieu, la leur ou celle qu’ils ont apprise. Ils sont au service du Dieu qui est déjà là et qui vient à eux à travers l’autre.

Ces gens-là n’apportent rien, ils accueillent Dieu. Ils se laissent surprendre. Ils n’ont pas peur. Ils savent s’émerveiller de chaque rencontre. Et leur posture, leur gratuité, leur bienveillance, faites d’accueil, de douceur et de miséricorde… me parlent de mon Seigneur.

Source photo : Photo de Justin Bieber publiée le 1er Mars 2016 sur sa page facebook. Je sais que c’est un peu provoc’ mais je la trouve marrante cette photo. On dirait un prêtre en train d’officier, avec une chasuble violette, couleur carême. Et c’est Bieber en tournée. Si ça pouvait en dérider certains… 🙂