“Fils de David, aie pitié de moi !”

Voilà.
En Jésus, certains reconnaissent le “Fils de David”.
Bien sûr, cela fait référence au roi David, à son côté messianique, au roi selon le coeur de Dieu.

Jésus serait donc son descendant,
selon Mathieu, par Joseph, selon Luc, par Marie,
selon certains, par les deux parents.
Bref, il est de la tribu de Juda,
un rejeton lointain de la tribu de Jessé,
un descendant de David.

Mais dans ce temps de Noël
où l’on fait mémoire de la naissance et de l’enfance de Jésus,
il me vient à l’esprit l’image de ce petit rouquin qui gardait les troupeaux de son père,
un garçon agile et sensible, beau comme le plus beau des enfants des hommes.

Dans cette famille de fidèles à l’Alliance et au trône,
dans cette famille de guerriers valeureux,
c’est ce petit-là, mi-artiste mi serviteur,
enfant au coeur disponible,
qui est choisi.

Il est beau. Séduisant.
A vrai dire, tous tombent sous son charme.
les troupeaux et les herbes folles,
le vent et les notes de musique.

Tous tombent sous son charme.
Dieu lui-même.

Mais aussi le prophète,
et puis le roi Saül, et puis le fils du roi, Jonathan,
et même la fille du roi et soeur de Jonathan
et puis, et puis…

David.
Roi au grand coeur.
Roi authentique, serviteur non feint,
qui rassemble les tribus d’Israël,
danse nu devant l’Arche du Seigneur,
protège ton peuple de toute invasion.

David,
Roi fidèle,
à la vie tellement bouleversée
par tes amours, tes erreurs, les trahisons, les déconvenues.
Roi, toujours fidèle.

Roi messager,
Roi prophète,
Roi sensible,
Roi humain,
Roi donné.

Et qui pour te succéder ?

Tes fils te trahissent, complotent, envient et jalousent.
Personne pour te succéder?
Sinon Salomon, le fils de l’adultère,
le fils au grand coeur,
le fils de la sagesse,
le fils de l’amour?

Qui sera le Fils de David
qui pourra succéder à son père
et, ce, au delà de Salomon ?

Voilà toute la question.

Est-ce toi Jésus ?

As-tu ces reflets roux dans tes cheveux,
as-tu ce coeur sensible à la beauté de l’univers,
au chant du vent et du luth dans la prairie
au rythme du vivant qui ne peut que s’accomplir?

As-tu ce coeur qui t’accorde avec l’authentique, le beau, le vrai,
l’amitié de ton frère et semblable,
la beauté et la tendresse d’une femme,
la promesse d’un bonheur unique et pour chacun?

Jésus,
qui nait à Bethléem, un jour du temps,
grandit et devient homme à Nazareth en Galilée,
es-tu le Fils de David,
le roi promis,
l’homme au grand coeur,
l’homme disponible à la beauté,
l’homme-Dieu ?

Tu es cet enfant-là,
Jésus,
prince d’humanité,
roi de toute éternité
et humilité.

Jésus,
Fils de David,
aie pitié de moi,
emmène-moi avec toi !

Z – 30/12/2016

Source photo : Oeuvre de Hugo Laruelle

A l’approche de Noël, une des pages les plus consultées de ce blog est celle que j’avais consacrée au pays de Zabulon. Cela me rappelle que j’avais annoncé une série de trois articles dont je n’ai jamais écrit et publié que le premier. Dans un premier temps, j’avais parlé du pays de Zabulon, pays oublié parce que depuis longtemps conquis et démantelé, dans lequel se trouve la petite bourgade de Nazareth et dont on n’attendait pas vraiment qu’il survienne quelque chose d’intéressant. Comme quoi…

Zabulon, “Il résidera avec nous”

Mais qui est donc ce Zabulon qui a donné son nom à ce pays ? Il est un des fils de Jacob, le 10ème de ses fils et le 6ème de Léa, puisque Jacob, rappelez-vous a eu plusieurs femmes. Eu égard à son nombre d’enfants, Léa devient ainsi la femme principale de Jacob.

Plus tard, la terre promise sera partagée en douze territoires confiés aux chefs de clan que sont les douze fils de Jacob. Zabulon héritera donc de ce petit territoire situé au nord du pays, territoire enclavé géographiquement mais aussi terre de passage d’un endroit à l’autre, que ce soit au nord et au sud, à l’est et à l’ouest, et surtout territoire-frontière, en constant compagnonnage, plus ou moins belliqueux avec les peuples étrangers.

Mais revenons à Zabulon, Zebuwluwn en hébreu, ou zbl en non vocalisé, ce qui fait qu’on peut autant le traduire par Zébulon, que Zabulon, Zobolon, Zéboulon, mais aussi Zavel, Zevulin, etc. En fait, la racine est le mot Zabal qui signifie « habiter » et Zéboul est le mot utilisé pour désigner une demeure, Zavel désignant aussi le Temple.

« Léa dit : Dieu m’a fait un beau don (Zbd); cette fois, mon mari habitera (Zbl) avec moi, car je lui ai enfanté six fils. Et elle l’appela du nom de Zabulon. » (Gn 30, 20)

Tellement à méditer dans ce verset. Zabulon, c’est un beau don, un cadeau, et celui-ci est directement attribué à Dieu. Et ce n’est pas n’importe quel cadeau, c’est « Il (Jacob? Dieu?) habitera avec nous », autre version, plus précise, de « on l’appellera Emmanuel, Dieu avec nous ». On l’appelera Zabulon.

Mais ce qui est intéressant, c’est que la racine Zbl est peu lointaine de la racine Zbd. Certains spécialistes prétendent alors que ce verset et ce nom peuvent recevoir deux interprétations: l’une par la racine ZaBaD (don, cadeau), l’autre par le mot ZaBal (demeurer, rester, honorer), ce qui correspond à deux interprétations possibles et légitimes qu’il est aujourd’hui bien difficile de départager : l’une relève de la tradition élohiste : « Dieu m’a fait un beau cadeau », l’autre relève de la tradition yahwiste « il habitera avec moi>> (Yezbeleni).

Nous ne trancherons pas. Les deux traditions sont intéressantes. Les deux disent que cet enfant n’est pas comme les autres, il est fruit d’une promesse, d’un engagement, de Dieu qui a à voir avec le fait de résider, habiter, avec son aimé(e).

Si l’on suit le récit de Genèse d’une manière narrative, ce verset a bien peu d’importance, tout pris que nous sommes par l’épopée des premiers patriarches. Mais, voilà, c’est ce Zabulon, Il habite avec nous, qui recevra en son pays le Fils de la Promesse. Alors continuons à nous y attarder un peu.

Je passe les interprétations ésotériques et cabalistiques qui nous montreraient que le tétragramme (YHWH) est contenu dans ce verset par la numérologie des lettres employées.

Dans toute la Bible, Zabal n’est employé que dans ce verset, ce qui relève encore son importance. Léa affirme « Il habitera avec moi » car je lui ai donné six fils. Si l’on s’échappe un peu des circonstances contextuelles (l’insécurité affective et matérielle d’une femme qui doit partager son mari avec d’autres femmes), il reste ce constat : celui de la fertilité, de la descendance, de l’avenir et que (Dieu) résidera dans cette maison-là et donc dans cet avenir-là, pas ailleurs.

Zabulon, le nourricier

Dans la tradition juive (talmudique), Zabulon est parfois associé à Issacar, l’érudit, le chercheur le savant, tandis que Zabulon serait dédié à l’approvisionnement des deux tribus pour que Issacar puisse remplir sa mission. Cette vue est purement théologique (chaque tribu devait bien subvenir à ses propres besoins), mais là encore il n’est pas inintéressant que Jésus naisse à Nazareth, dans la maison d’un certain Joseph, homme très discret, dont la mission principale est d’assurer la sécurité, à tous les points de vue, à l’enfant qui vient de Marie.

Probablement, ce lien entre les deux tribus de Zabulon et d’Issacar vient-elle des mots attribués à Moïse dans le Livre du Deutéronome :

« Pour Zabulon, il dit : Réjouis-toi, Zabulon, en tes expéditions, et toi, Issakar, sous tes tentes ! Ils convoquent des peuples sur la montagne, ils y offrent des offrandes justes, ils s’approprient les richesses de la mer et les trésors cachés dans le sable.» (Dt 33 , 17-18)

Les deux tribus sont valorisées pour leur justesse et pour leur compétence à savoir s’approvisionner, Zabulon étant mis à l‘honneur pour sa capacité à aller sur les mers, ce qui confirme, au passage, un accès maritime au pays de Zabulon. A laisser résonner comme promesse d’une extension vers les Gentils ? Après tout, le Fils de la Promesse, qui va grandir au milieu de nulle part, à Nazareth, est de ce peuple-là et il en hérite de ses qualités et promesses bibliques.


Zabulon, le Juste

On retrouve Zabulon dans un livre non biblique intitulé « Le Testament des douze patriarches », livre dont on a retrouvé des fragments en araméen et qui semble avoir circulé dans la diaspora juive au moins cent ans avec JC, dans lequel chacun des douze fils de Jacob s’exprime auprès de ses enfants, au moment de mourir. Bien que désigné comme « apocryphe » (c’est-à-dire non inspiré et, à ce titre, non retenu, parmi les Livres Saints de la Bible), ce livre nourrit l’imaginaire et la spiritualité juive.

Rappelons au passage que le canon des écritures bibliques, c’est-à-dire la liste des livres qu’on retient comme faisait partie de la Bible hébraïque n’a été fixé qu’à la fin du premier siècle, par les pharisiens et après la chute du Temple de J2rusalem, après que les juifs soient obligés de quitter leur terre se disperser dans le monde connu. Avant cela, de nombreux écrits circulent dans la communauté juive, dont “le Testament des douze patriarches”.

On y raconte que sur le point de mourir, Zabulon fit venir ses fils et leur déclara qu’il n’avait pas participé au crime de ses frères qui s’en étaient pris à Joseph, le plus jeune, et l’avaient vendu à une caravane passant par là pour s’en débarrasser. Il aurait même fait tout ce qu’il pouvait pour empêcher cela mais il n’avait pas pu ou pas su résister à ses frères et trouver le courage de les dénoncer à leur père.

C’est dans ce livre également qu’on apprend que Zabulon inventa et fabriqua un vaisseau, avec un mât, des voiles, un gouvernail, pour chercher à manger dans la mer, durant la grande famine, et qu’il pût ainsi nourrir toute sa famille avec les produits de sa pêche, y compris la maison de son père, et même les étrangers, pêchant l’été et faisant paître les troupeaux de son père, l’hiver, avec ses frères. Bien sûr, réminiscence et confirmation a posteriori de la vocation de pêcheur de Zabulon et donc de l’accès à la mer du pays de Zabulon.

Il y a évidemment peu de chances que ce soit le vrai Zabulon qui parle, mais ce qui est significatif c’est le sens qu’on accorde à sa mission en Israël et dans quelle tradition spirituelle, Jésus et ses contemporains ont pu l’assimiler, le comprendre et l’acter.

Zabulon, le visionnaire

Le livre a en effet clairement une portée messianique et on y trouve en effet ces paroles attribuées à Zabulon :

« J’ai lu dans l’écriture de mes pères, que dans les derniers temps vous vous séparerez du Seigneur, vous vous diviserez dans lsraël, et vous suivrez deux rois. Vous vous livrerez aux abominations de l’idolâtrie; vos ennemis vous emmèneront captifs, et vous demeurerez parmi les nations
accablés de douleurs et d’afflictions.

Après cela vous vous souviendrez du Seigneur, vous vous repentirez ; et le Seigneur vous ramènera, parce qu’il est plein de miséricorde ; après quoi Dieu même, le soleil de justice, se lèvera sur vous;
la santé et la miséricorde sont dans ses ailes (Mal 4 :2).

Il rachètera les enfants des hommes, que Bélial tient en captivité; tout esprit d’erreur sera foulé aux pieds; le Seigneur convertira toutes les nations ; et vous verrez Dieu sous une forme humaine, parce que le Seigneur a choisi Jérusalem, et que son nom est le Seigneur.

Enfin vous l’irriterez de nouveau, et il vous rejettera jusqu’au temps de la consommation des siècles. »

Bien sûr, le texte semble se référer aux malheurs passés et expliquer la séparation territoriale des douze tribus, l’exil à Babylone, le retour… Mais il y a plus. « Vous verrez Dieu sous une forme humaine » dit le texte, attesté au moins 100 ans avant JC….

Zabulon est donc présenté comme un visionnaire. Lui, l’approvisionneur, le créatif qui va chercher en mer ce qui manque sur terre, lui qui est garant que Dieu résidera avec nous, est aussi celui qui annonce que Dieu prendra une forme humaine.

Zabulon, le patriarche et le peuple

A vrai dire, dans la Bible, elle-même, il y a très peu d’indications sur Zabulon comme personnage historique, mais davantage sur le territoire ou le peuple de Zabulon, bien que ce soit très limité puisque pour des raisons historiques ce territoire a très vite disparu.

Le caractère de Zabulon se lit donc à travers ce qu’on attribue à son peuple. Or, Zabulon, non seulement est fidèle, mais il est courageux et inventif. Il est fraternel avec ses voisins Issacar et Nephtali, il soutient spécialement Issacar qui va se spécialiser dans l’étude de la Torah et donnera, pense-t-on, la tradition des scribes. Pendant qu’Issacar étudie, Zabulon cherche des ressources et assure la sécurité. C’est un peuple fidèle qui vient en masse soutenir le roi David lors de son intronisation comme roi à Hébron. Il sera de tous les combats essentiels, capable de voisiner intelligemment avec les autres peuples mais sans perdre sa foi, quitte à se battre jusqu’à disparaître pour protéger les autres parties d’Israël.

C’est donc au sein de ce territoire, de ce peuple, à Nazareth, que l’enfant Jésus va grandir en taille et en sagesse. C’est en Zabulon qu’il va découvrir qui il est, quelle est sa foi et quelle est sa mission.

Certains prétendent que lorsque Jésus reproche aux pharisiens d’avoir empêcher le peuple d’accéder au Royaume de Dieu (Lc 11, 52) il se réfère à cette tradition qu’il a lui-même reçue du pays de Zabulon et peut-être de livres messianiques comme ceux du « Testament des douze patriarches ». Comment savoir ?

Autre idée qui me vient en “filant” la complémentarité de Zabulon et Issacar : lorsque Jésus s’en prend aux scribes et aux pharisiens ne rejoue-t-il pas la partie de la répartition de leurs rôles ? Si Zabulon assurait la nourriture et la protection à Issacar, ce n’était pas pour que celui-ci confisque Dieu au peuple mais qu’il le partage. La vocation de Zabulon, c’est de résider avec nous et de nourrir le peuple de Dieu. Voilà qui ressemble bien à la posture de Jésus, tout fils de David qu’il soit, c’est-à-dire de la tribu de Juda.

Actons ce qui est sûr et consensuel : Jésus a habité et grandi en pays de Zabulon et Zabulon avait la bonne réputation d’être fidèle, ouvert et généreux.

Comme le Jésus qui nous est présenté dans les Evangiles.

—–
Questions/Réponses

Zabulon était-il gay ?

Ah Ah ! Je n’en sais rien. Ca change quoi s’il l’était ? Ca change quoi s’il ne l’était pas? La tradition dit qu’il s’est marié et a eu des enfants, mais il est si clair que les moeurs de l’époque n’étaient pas ceux d’aujourd’hui…

Pourquoi avoir récupéré le nom de “Zabulon” ?

Je ne l’ai pas récupéré. Comme je l’ai déjà expliqué, créant ce blog dans la précipitation pour continuer et assumer une présence chrétienne pour ceux qui se découvrent homosensibles, je n’ai pas plus réfléchi que cela. Le lointain pays de Zabulon, dont on pense qu’il ne peut rien sortir d’intéressant, m’est venu à l’esprit… comme une lumière, là-bas, qui donne sens à ce que vivent certaines personnes, hommes ou femmes, dont je suis. Je ne récupère pas, j’accueille du sens.

“En ce temps-là, Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ.”

(Mt 11,2)

Dans sa prison.

Jean le Baptiste, il est dans sa prison.
Il a fait ce qu’il fallait, mais il est dans sa prison.
Eh oui…
Et c’est dans sa prison, d’après Mathieu,
qu’il entend parler des oeuvres réalisées par le Christ.

Alors, bien sûr, il y a la suite du texte.
Il va envoyer ses disciples pour lui demander
s’il est bien Celui qui doit venir.
Et Jésus va répondre. Etc. Etc.

Pour le moment, il est dans sa prison.

Alors, ça me vient comme ça en écoutant le prêtre proclamer l’Evangile de ce jour.

Toi, frère, soeur, quelle est ta prison?

Si tu te sens en prison à cause de l’homosexualité,
peut-être est-il temps d’entendre ce message qui prépare à la venue de Jésus à Noël.

Dans ce qui tu vis ou ressens comme une prison,
entends-tu la bonne nouvelle qui est en train de parcourir la terre?

Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent,
les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent,
les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle.

Tu entends?

Tous ces gens, dans leurs prisons intimes, ils sont libérés.
Et toi, tu crois que ça va pas t’arriver?

En vérité,
Jean-Baptiste, dans sa prison, nous montre l’exemple.
Le salut est pour toi aussi.

Tends l’oreille, le Seigneur vient.
Il n’y aucune prison qui l’empêche de venir à toi.

Alors,
si tu es homosexuel,
que tu te sens, ou que tu es, condamné,
ou que tu te sens enfermé dans quelque chose d’impossible à vivre,

Lève la tête,
redresse-toi, tends l’oreille,
et ouvre ton coeur :

Le Seigneur vient
il va donner sens à ce que tu vis,
quoi qu’en disent les autres.

Tu sais, c’est le Seigneur.
Seigneur de la Vie.

Si Lui te veut vivant,
que veux-tu que lui opposent les murs des prisons?

Mais toi,
es-tu prêt à sortir de ta prison?

Z – 11 /12/2016

——
Pour répondre à qui s’inquiétait de me voir moins m’exprimer sur des sujets religieux, non, je n’ai pas abjuré. Je suis toujours chrétien, et plus que jamais ! parce que je n’ai qu’un seul Seigneur que j’ai reconnu en Jésus le Christ. Personne à ce jour ne m’a fait grandir plus en humanité, c’est-à-dire en vérité avec moi-même et avec l’origine divine, que le Christ Jésus. Je suis chrétien. L’Eglise pourrait me rejeter que je resterais chrétien.
——

Plus de différences en Christ

Le péché que Paul condamne

Une fois encore, une triste ironie règne sur cette question. Il y a là une leçon religieuse qu’il nous faut apprendre.

Une certaine lecture des Ecritures , ancienne et naïve, a induit en erreur nombre de disciples sincères de Jésus. Ils s’opposent aux lesbiennes et aux gays et les oppriment au nom de l’apôtre Paul. Confortés par les préjugés de notre société, persuadés de la supériorité de leur inclination sexuelle, ces chrétiens ont mal lu l’Epître de saint Paul aux Romains et rejettent des membres de la communauté chrétienne en son nom.

Pourtant, assurer l’unité des croyants était un objectif cardinal des écrits de Paul. Il insistait sur le fait que, en Christ, seuls comptent vraiment la foi et l’amour. Mais, se méprenant sur l’argumentation de Paul, certaines personnes se fient, involontairement, plus à leurs goûts et coutumes qu’à la parole de Dieu. Ils discutent de ce qui est propre ou souillé, se disputent à propos de ce qui est pur ou impur et dressent les hétérosexuels contre les homosexuels. Ils divisent et font voler en éclats l’Eglise sur des questions qui n’ont aucune importance en Christ. Au nom de Dieu, ils excitent la haine, nourrissent l’oppression et sèment la zizanie dans toute la société. Ils sont coupables d’une injustice grave, ils commettent la faute même que Paul entendait contrer.

C’est une triste situation, indigne des disciples de Jésus

 

Daniel Helminiak, s.j., Ce que la Bible dit vraiment de l’homosexualité,
Les Empêcheurs de penser en rond/ Le Seuil, novembre 2005, p 158-159.

 

 

Ainsi se conclut le chapitre que Daniel Helminiak consacre à l’étude de la Lettre aux Romains, dans laquelle certains croient voir l’argument essentiel à la condamnation de l’homosexualité dans le Nouveau Testament (Ro 1, 18-32)

D’après l’auteur, il n’est pas douteux que Paul parle des rapports homogénitaux entre hommes, mais contrairement à ce qu’on veut aussi y voir, ce n’est pas forcément pour les condamner.

Il serait trop long de reprendre ici tous les arguments de ce chapitre très documenté, mais retenons au moins que les mots grecs employés pour désigner l’homosexualité montrent que Paul n’envisage pas une condamnation morale mais font plutôt allusion au code de pureté que l’on retrouve dans la “loi de sainteté” du Lévitique, lorsqu’il s’agissait de montrer en quoi Israël, conscient d’être un peuple choisi parmi les autres, devait se distinguer des autres nations.

Ainsi le plan de la lettre aux Romains est-il très instructif pour comprendre ce que veut vraiment dire Paul.

Dans un premier temps, il parle aux chrétiens d’origine juive, ceux-là même qui connaissent ces lois de pureté et parfois ont la tentation de vouloir les imposer à l’ensemble de la communauté chrétienne. Le sujet de la circoncision est évité comme trop polémique mais celui de l’homosexualité, largement admise et pratiquée dans le monde grec et romain, est abordé parmi d’autres. Et Paul de montrer comment, oui, les moeurs des gentils sont différents des règles de pureté reçues d’Israël. On est dans le registre de l’impureté rituelle, pas dans celui du péché. L’argument principal de Paul – qui ne peut que plaire aux juifs, est : c’est parce que les hommes se sont détournés de Dieu que le péché est dans le monde. Et la longue liste des désordres cités, parmi lesquels l’homosexualité, n’en est que la conséquence. Ainsi Paul, flatte-t-il le sentiment de supériorité morale des Juifs. Les non Juifs ne reconnaissent pas la loi juive et donc ont, aux yeux des juifs de l’époque, des pratiques impures.

[Argument purement théorique puisque les juifs qui vivent dans l’empire connaissent très bien les moeurs des gens chez qui ils vivent et on ne peut pas imaginer qu’ils aient voulu les changer, ils s’en accommodaient.]

Mais, à partir du chapitre 9, il s’adresse aux chrétiens d’origine païenne, aux “nations”(Ro 11,13). Là aussi, il met en garde : il serait ben malvenu que l’olivier sauvage se moque de l’olivier d’origine sur lequel il est greffé. Il est un temps où une partie d’Israël est comme endurci et aveugle pour que l’ensemble de l’humanité puisse être sauvé (Ro 11,25). “Je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, de peur que vous ne vous preniez pour des sages.

Ainsi, invite-t-il à la modération. Car même si les gentils ne sont pas soumis aux lois des Juifs, tout n’est pas permis, tout n’est pas bon et il faut éviter la débauche. Mais il invite aussi à ne pas confondre l’acte d’idolâtrie (sacrifier aux faux dieux) et les usages sociaux : manger, boire avec les non-chrétiens, pouvoir acheter de tout ce qui se vend sur le marché (Ro 10,25) .

S’ensuivent de vigoureux et touchants appels à l’amour fraternel, au respect des différences, au non jugement. Qui es-tu pour juger un serviteur qui ne t’appartient pas ? demande saint Paul(Ro 14,4) car, précise-t-il encore, “Je le sais, j’en suis convaincu par le Seigneur Jésus : rien n’est impur en soi.Mais une chose est impure pour celui qui la considère comme telle” (Ro 14,14)

Notons qu’il n’y a plus aucune mention de l’homosexualité dans tous ces développements, Paul parle désormais de nourriture comme dans de nombreux autres endroits, puisqu’il semble que pour les premiers chrétiens la grande inquiétude morale soit de savoir si en mangeant avec des païens, ou même en mangeant des nourritures sacrifiées aux idoles, ils offensent Dieu et deviendraient idolâtres. Le Royaume de Dieu n’est pas question de nourriture répond Paul mais d’attachement au Christ. C’est tout le thème de la circoncision du coeur qu’il reprend aussi ailleurs et celui de la liberté fondamentale du chrétien qu’il développe aussi aussi en Corinthiens.

Bref, tout cela pour en arriver à cette simple proposition valable tant pour les juifs que pour les gentils : c’est l’adhésion au Christ seul qui justifie, il n’y a plus de loi nécessaire pour cela. Il n’y en a pas pour moi (je suis libre) et il n’y a pas plus pour mon frère que je n’ai pas à juger pour cela : lui-même a à s’accorder avec sa propre foi (Ro 14, 23).

Au passage, Paul aura montré que les reproches adressés aux gentils par les juifs peuvent s’appliquer également aux juifs, et que si il y a une obligation c’est bien de s’accueillir mutuellement les uns les autres comme le Christ nous a accueillis (Ro 15, 7).

Il n’y a plus de loi juive qui tienne. En Christ, les rites de pureté qui permettaient de se distinguer des païens n’ont plus lieu d’être. Ils séparent au lieu d’unir. Et donc l’homogénitalité, souillure des gentils citée parmi d’autres, du fait de leur méconnaissance de Dieu, n’a plus lieu d’être une raison de s’écarter d’eux. Paul ne faisait que rappeler aux Juifs leur code de pureté devenu maintenant inutile en Christ. Car, en Christ, rien n’est pur ou impur.

En Christ, il n’est plus de différence entre les êtres humains qui puisse justifier la séparation avec Dieu.

combat-pour-la-justice

Et le combat pour la justice ?

“Dans les Écritures chrétiennes, il y a moins de dix versets qui parlent de l’activité sexuelle de même sexe, sur plus de 31000 versets au total dans la Bible. En revanche, il y a des centaines de versets sur le soin des pauvres et des opprimés, et des centaines d’autres sur la façon d’utiliser ses biens et de l’argent. Certains fidèles chrétiens croient que nous devrions nous concentrer sur les questions de la pauvreté, la libération et la bonne gérance, plus que sur les questions de sexualité.”

Emmy Quegler,
Pasteur de l’Eglise Luthérienne

Source : queergrace.com