Tu me cherches ? Je suis assis à côté de toi.
Mon épaule est tout contre la tienne.

Tu ne me trouveras ni dans les stupas*,
ni dans les salles des sanctuaires indiens,
ni dans les synagogues, ni dans les cathédrales,
ni dans les messes, ni dans les kirtans*,
ni dans les jambes enroulées autour de ton cou,
ni en ne mangeant que des légumes.

Quand tu me chercheras vraiment,
tu me verras instantanément.
Tu me trouveras dans le plus petit espace du temps.

Kabir dit : disciple, dis-moi, qu’est-ce que Dieu ?
Il est le souffle à l’intérieur du souffle.

Kabir

(*) Le stupa est un édifice religieux bouddhiste, sorte de reliquaire symbolique du corps de Bouddha; le kirtan est un chant dévotionnel indien

Dans ce poème comme dans d’autres que j’ai déjà postés, Kabir, poète indien du XVè siècle, exprime combien la divinité est proche de nous et combien les dévotions peuvent ne nous servir à rien pour le rencontrer si elles nous dispensent de nous ouvrir à l’indicible présence qui est déjà là, tout contre nous, dans le moindre espace infime de temps, pour en pas dire déjà en nous.
Ce Dieu infiniment plus présent à nous que nous-même – dirait saint Augustin, pourquoi aller le chercher ailleurs dans une quête éperdue et vaine ? Avec la grande tradition apophatique, Kabir nous enseigne que sur Dieu on ne peut rien dire, que les mots sont vains parce que toujours en deça de la réalité, et que la rencontre avec la divinité ne peut se faire que par l’expérience d’être présent à soi, plus exactement : à elle en soi.

O Seigneur incréé qui Te servira ?
Chaque fidèle adore le Dieu qu’il se crée ; chaque jour il en reçoit les faveurs.
Aucuns ne le cherchent Lui, le Parfait, le Brahma, l’indivisible Seigneur.
Ils croient en dix Avatars ; mais un Avatar, endurant les conséquences de ses actes, ne peut être l’Esprit infini.
L’Un suprême doit être autre.
Les Yogi, les Sangasi, les Ascètes se disputent entre eux.
Kabir dit : “O, frère, celui qui a vu le rayonnement de son amour, celui-là est sauvé.”

Kabir

Image :

“Bien peu de personnes sont conscientes de ce qui a cours dans l’expérience amoureuse qu’elles vivent. Les intéressés diront en effet :”J’ai trouvé le grand bonheur : j’aime et je suis aimé!” Mais le bonheur ressenti alors ne vient pas de ce qu’ils sont aimés, mais de ce qu’ils sont mis en contact avec leur propre mystère par l’intensité d’un regard qui s’est arrêté sur eux. (…) C’est là que se cache le secret du grand amour : être mis en contact avec son propre mystère par l’intensité d’un regard posé sur soi. c’est là un premier seuil. Il te faudra un jour y parvenir par toi-même, sans l’aide du regard extasié de l’autre. C’est là le deuxième seuil. Enfin, le troisième seuil est celui de ta rencontre, non plus avec un humain, mais avec Dieu découvert au fond de ton mystère.”

Yves Girard, Baiser à baiser .

Dans Baiser à baiser , l’auteur, moine cistercien au Québec, livre une méditation, et même une initiation spirituelle, à partir du commentaire de Guillaume de Saint-Thierry, moine cistercien du XIIè siècle, sur le Cantique des Cantiques. Guillaume commence ainsi : “Qu’il me baise d’un baiser de sa bouche ! C’est fini ! Je ne veux plus de baisers étrangers (Dieu qui lui parle par l’Ecriture, et les prophètes). J’exige d’être enseigné ouvertement sur Dieu, face à face, les yeux dans les yeux, baiser à baiser.”

Photo : Armie Hammer et Timothée Chalamet, acteurs de Call me by your name.

 

Voici un magnifique poème de Rûmi mis en musique par Amand Amar pour accompagner le film réalisé par Nacer Khémir dans lequel il raconte un épisode de la vie du grand poète et mystique soufi Rûmi, un des piliers fondateurs du soufisme,  Bab’Aziz, Le Prince qui contemplait son âme (2016).

L’histoire raconte de manière poétique, le périple d’une petite fille, Ishtar, qui accompagne son grand-père, bien vieux et devenu aveugle, Bab’Aziz (Rûmi) dans le désert, sous prétexte de se rendre à une réunion de derviches qui n’a lieu que tous les trente ans.

– (Ishtar) Bab’Aziz, nous allons sûrement nous perdre dans le désert…
– (Bab’Aziz) Ishtar, ceux qui sont en paix avec eux-mêmes ne peuvent perdre leur chemin.

Le film raconte en fait les derniers instants du sage. Pour Bab’Aziz, il s’agit en fait d’aller rejoindre sa tombe, délimitée par un carré de cailloux. Mais le voyage s’avère plein de surprises et de rencontres, occasions pour le vieux sage de distiller son amour de la vie et sa sagesse.

Alors que Bab’Aziz défait son turban et s’assied sur sa propre tombe pour attendre la mort, un jeune homme lui demande pourquoi il est si calme :

La mort est la fin de toute chose” dit le jeune homme en pleurant.
Comment cela peut être la fin de quelque chose quand il n’y a pas de début ? ” répond le vieil homme avec douceur.

La danse des atomes (qu’on appelle souvent le poème des atomes) nous raconte la communion ente toutes choses de l’univers et ce fil ténu et invisible qui fait que tout tient. Tous les atomes dansent. Le soleil, le vent, le désert et les hommes-mêmes. Tous et chacun, nous sommes invités à entrer dans la danse…

La musique a été composée par Armand Amar, d’après des paroles du célèbre mystique persan Rûmi.  Les chanteurs sont Haroun Teboul , puis Salar Aghili .

 

Ô Jour, lève-toi!
Fais resplendir ta Lumière, les atomes dansent.
Grâce à Lui l’Univers danse, les âmes dansent, éperdues d’extase,
libérées du corps et de l’esprit,
Je te murmurerai à l’oreille où les entraîne leur danse.

Tous les atomes dans l’air et dans le désert dansent,
étourdis et ivres dans un rayon de lumière,
comme fous.

Tous ces atomes ne sont pas si différents de nous,
heureux ou malheureux,
hésitants et déconcertés
Nous sommes tous des Êtres dans le rayon de lumière du Bien-Aimé,
au-delà des mots.

Rûmî

 

 

 

Photo : le danseur Roberto Bolle, par Bruce Weber, photo publiée par homotography

 

Les hauts, les bas,
regarde-les d’un même oeil !
Ne regarde pas le visible,
regarde l’invisible !
Il n’ y a pas d’aile,
il y a le signe d’un envol,
il n’ y a pas de chanteur,
il y a la trace d’un chant.

Sohrab Sepehri, Pârâh,
in : L’Orient du chagrin,
traduit du persan par Jalal Alaviniar,
Lettres persanes, 2009.

 

Photo : Jon Kortajarena