La tradition mystique chrétienne peut-elle être utile pour la vie spirituelle des personnes contemporaines et peut-elle s’enrichir de leur expérience ? Est-il possible pour un homme expressément gay, et qui s’affirme comme tel, de vivre pleinement la vie mystique chrétienne en union avec Dieu ?
Comment un tel voyage intérieur transformerait-il notre compréhension de la mystique chrétienne, d’une part, et notre appréciation de la sexualité humaine, en particulier gay, de l’autre ?
Ou bien, est-ce que la tradition mystique serait la relique d’un autre temps, façonnée par des célibataires pour des célibataires, incapable d’évoluer ou de s’engager de manière significative avec les gens de notre génération qui embrassent la corporalité et la sexualité comme des aspects cruciaux de leur chemin spirituel ?
Voilà les premières phrases de l’introduction de ce livre au titre évocateur….
Exactement une des questions qui sous-tendent de nombreux articles de ce blog.
Je suis pressé de le lire !
Fratoun… quel chemin ! Depuis Zion by bus qu’il chantait sur les parvis de Montmartre, en nous donnant le décodeur “théologique”, du haut de ses 15 ans, avec déjà cette étrange et gentille naïveté qui le caractérise, à ces chants plus engagés sur le monde. Dans la chanson ci-dessous, sur la migration et ses conséquences humaines terribles. Allusion aussi possible à la traite des noirs, façon “Nobody knows“. Mais pas seulement. Avec “No country for my soul“, nous devenons tous des migrants, nous sommes tous de passage avec une âme à sauver “qu’ils” n’auront pas – qui “ils” à propos ?
De ma famille ils m’ont arraché.
Et mes habits, ils me les ont volé.
Voilà que se superpose une autre histoire, celle d’un homme à qui on a arraché les vêtements, déjà, il y a environ 2000 ans, un homme qu’on a torturé, mis à mort, et ce fut assez vite, également, le sort de ses compagnons, de ses amis… Mais “ils n’ont pas eu leur âme…”
Et puis, moi, nous… Ne suis-je pas aussi un migrant sur cette terre ? Ne suis-je pas pieds et mains liés, ballotté par ce que d’autres, même bien intentionnés, voudraient pour moi ? Quand, à cause de mon orientation sexuelle, je suis écartelé entre le désir ou la nécessité de me conformer aux normes sociales et qu’au fond je sais mon être différent et vouloir se déployer autrement ?
“Ils” peuvent bien m’attacher, “je” peux bien m’attacher. Mes mains, mes pieds, empêchés de bouger. Oui, cette vie de déni ou de mépris, d’humiliation, d’empêchement d’être qui je suis. Mais, au fond, je le suis quand même. Et oui, “ils n’auront pas mon âme”, tel que je suis, je serai accueilli par Celui qui ne juge pas.
No country for my soul
There is no land, no country for my soul
There is no land, no country for my soul
De mon pays ils m’ont enlevé,
De ma famille ils m’ont arraché.
Et mes habits, ils me les ont volé.
Et mes amis, ils ont torturé.
Mais jamais ils n’auront mon âme,
Jamais ils n’auront mon âme,
Jamais ils n’auront mon âme,
Jamais ils n’auront mon âme.
Ils m’ont pris, ils m’ont attaché
Et de mes mains ils m’ont séparé.
Puis c’est mes pieds qu’ils ont coupé,
Et ils riaient pendant que je leur criais
Que jamais ils n’auront mon âme,
Jamais ils n’auront mon âme,
Jamais ils n’auront mon âme,
Jamais ils n’auront mon âme.
Paroles & Musique : François-Joseph Ambroselli.
Arrangements : Les Guetteurs
(c) 2016 GE2L Editions / Rejoyce
Et toujours cette sincérité chez le leader des Guetteurs qui fait qu’on se sent bien avec lui. Fratoun ne fait pas que chanter. Quand il chante, il prie, il s’expose, il se donne. Et c’est beau.
Je fais parfois ce rêve
qu’un jour quelqu’un m’appellera
et que, épris de plénitude,
je le suivrai en quittant tout,
ayant trouvé le but ultime de ma vie.
Ce rêve, je le sais bien,
s’écrit dans la blessure primale
de n’avoir pas été assez aimé, cajolé ou appelé.
Blessure, certes, mais qui m’ouvre à la conscience
que nous sommes faits pour être aimés pleinement.
Durant ma vie, j’ai parfois failli me tromper,
confondant par exemple la plénitude avec l’amour humain,
ou bien parfois seulement telle ou telle marque d’intérêt
avec cette attente inconsciente d’être reçu pleinement,
projetant mon désir – mon besoin – d’être accueilli
sur la moindre marque d’amitié ou de reconnaissance.
C’était au temps où mon rêve était encore un désir sans mots,
mais je sais bien la force de l’illusion
et que je pourrais encore attendre d’autrui
qu’il remplisse le puits dont la source est en moi.
Et pourtant, un jour quelqu’un m’appellera,
et ce sera le Seigneur Dieu créateur de l’univers.
Il ne m’appellera pas de manière grandiloquente
car, après tout, cet univers est déjà là en moi et moi en lui.
Tout à coup, sa présence m’environnera
et je saurai que j’habite déjà sa maison
et vouloir m’y complaire à jamais.
D’où vient que je sais cela ?
Une blessure, certes, mais aussi ce point de connaissance aveugle,
quand quelque chose d’essentiel est touché qu’on ne peut pas perdre.
Je le sais en creux, je le sais pour toujours.
Je le sais pour moi, je le sais pour autrui.
Avant que d’aimer – ce que je ne sais pas faire seul –
je suis fait pour être aimé.
Je le sais parce que, déjà certainement,
je goûte quelque chose de cette présence.
Quand je dis que ce ne sera pas quelque chose de grandiloquent…
Cette présence, elle est déjà là. Elle est là, en moi, en nous.
J’ai juste à l’accueillir, à la chérir, à la laisser grandir
et laisser le Seigneur toucher ainsi ceux que je rencontre.
Quel paradoxe étonnant!
Moi, le mal accueilli, j’apprends à accueillir,
et à devenir accueil.
Zabulon – 27/02/2019
Dans notre coeur la vigilance,
Lampe allumée par le Seigneur,
Se renouvelle par sa flamme
Au chant commun de notre joie.
(…)
Voici l’Epoux qui nous appelle,
Courons aux noces de l’Agneau
Mais que la route paraît longue :
Quand poindras-tu, dernier matin ?
Et pendant que je me tenais là, j’ai vu plus que ce que je peux dire et compris plus que ce que j’ai vu; car je voyais d’une manière sacrée les formes de toutes choses dans l’esprit, et la forme de toutes les formes telles qu’elles doivent vivre ensemble comme un seul être. Et j’ai vu que le cerceau sacré de mon peuple était l’un des nombreux cerceaux qui formaient un cercle aussi large que le jour et la lumière des étoiles. Au centre, un puissant arbre à fleurs abritait tous les enfants d’une mère et d’un père. Et j’ai vu que c’était saint.
Black Elk (1863-1950) Heȟáka Sápa Holy Man of the Oglala Sioux
Je voudrais quelque chose de beau, mais tu vois, pas quelque
chose qui vienne de l’extérieur, de ces beautés qui te séduisent un moment,
semblent te remplir et puis s’en vont parce qu’elles ne sont pas de toi.
Non, je voudrais vivre une vraie beauté. Tout à la fois, la sentir, la donner,
la partager, être tellement bien en elle que la question de la perdre ou la
trouver ne se pose pas, être comme chez soi en permanence et être bien.
Et où est donc cette
beauté alors ?
Je crois qu’elle est en moi, qu’elle est en toi, qu’elle est
en chacun. L’erreur commune est de la chercher à l’extérieur de nous , comme s’il
nous manquait quelque chose, alors qu’elle est déjà là en nous et ne
demande qu’à s’épanouir et se propager.
Se propager…
Oui. Tu sais, comme il est dit dans le Livre de l’Apocalypse :
« Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5). J’ai
souvent pensé à cette phrase… S’il peut
faire toutes choses nouvelles dans le d’ancien, c’est qu’il puise en lui-même,
à la source de la vie et de la beauté.
On croit souvent, à tort, que l’Apocalyse est un livre qui annonce des
horreurs alors qu’il ne fait que dire la réalité du monde d’aujourd’hui. Un
monde de souffrances, de compromissions, de corruptions, qui ne rend pas
heureux. Et face à cet inachèvement, il y a Lui, qui fait toutes choses nouvelles.
Lui venu dans notre humanité. Donc moi aujourd’hui.