Voici un témoignage, publié en février 2016 et traduit de l’anglais, qui illustre parfaitement un sujet déjà évoqué dans ce blog, à savoir celui de la bromance. Ce qui apparaît, c’est non seulement que les frontières entre hétérosexualité et homosexualité ne sont pas si claires qu’il n’y paraît et, surtout, que de nos jours les hommes peuvent exprimer beaucoup plus librement leur besoin de tendresse, y compris envers d’autres hommes.
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“Je ne comprends pas les jeunes de ces temps-ci.
OK, je sais que tout le monde dit ça passé un certain âge, mais laissez-moi vous expliquer.
Je ne pense pas que je sois vieux – je suis dans la moitié de la trentaine – mais j’imagine que je ne suis plus un jeune perdreau. Je vis dans une grande ville et j’ai un bon boulot au siège d’une entreprise de médias – rien d’extraordinaire mais assez agréable, et les gens, surtout, sont amusants. Et c’est d’une de ces personnes dont je parle en ce moment quand je dis que je ne comprends pas les jeunes.
Un des gars avec qui je travaille – je l’appellerai Simon parce que je ne veux pas utiliser son vrai nom au cas où il le trouverait! – est probablement la personne la plus amusante du bureau. Il est assez petit, les cheveux blonds désordonnés, et un sourire effronté ; il est toujours brillant et joyeux, c’est quelqu’un qui contribue à faire du travail un endroit amusant, que ce soit avec l’humour de ses commentaires ou simplement une conversation amicale. Il a environ 25 ans et n’a jamais mentionné quoi que ce soit à propos d’aimer les mecs – il a même parlé d’ex-petites amies et autres.
D’un autre côté, tout le monde sait que je suis gay – comme je l’ai déjà dit, je vis dans une grande ville et personne ne prend ça comme un gros problème ; c’est super de pouvoir être moi-même dans une telle situation.
Quoi qu’il en soit, tous les vendredis soirs, nous sortons tous prendre un verre après le travail, avec un grand nombre d’entre nous. Nous restons soit pour en prendre juste un, ou beaucoup, et pour être franc, il arrive qu’on soit assez emêchés ! Un vendredi, nous sommes tous allés à l’endroit habituel, et certains d’entre nous sont restés plus longtemps que nous n’aurions dû. Simon se plaignit qu’il était trop tard pour qu’il rentre chez lui, et j’ai suggéré que nous partagions un taxi jusqu’à chez moi, car je vis beaucoup plus près. C’était une idée raisonnable, et Simon était soulagé de ne pas avoir à rentrer chez lui.
Maintenant, laissez-moi d’abord préciser quelque chose – je n’ai jamais eu l’intention de faire quoi que ce soit avec Simon. Mon type habituel de mec, ce sont les grands et bruns, et de mon âge – un peu plus vieux, peut-être. Je n’ai jamais envisagé avoir une relation avec Simon.
Nous sommes arrivés chez moi et plutôt que d’aller dormir nous avons continué à boire – j’avais une bouteille de vin à la maison, et, comme je l’ai dit, Simon est un type tellemment agréable. Nous avons fini par user la bouteille et penser à aller au lit. J’ai commencé à installer le canapé avec des coussins et des couvertures, mais Simon a dit qu’il préférait dormir dans le lit et se blottir contre moi, et que de toute façon le lit serait plus confortable que le canapé.
Évidemment j’étais un peu confus … pourquoi voudrait-il se blottir contre moi s’il est hétéro ? Mais en tout cas, nous nous sommes couchés et recroquevillés. Simon attrapa mon bras et le tira autour de son épaule pour que je l’entoure… Je ne savais pas vraiment quoi faire, alors je me suis blotti un peu contre lui.
‘Oh, j’aime vraiment être câliné !’ a-t-il dit, puis nous nous sommes endormis.
Le lendemain matin, nous nous sommes réveillés et nous avons passé toute la matinée au lit, à nous câliner et à bavarder. Je me suis levé et ai fait le petit déjeuner … c’était comme si j’avais un petit ami !
Et ce n’était que la première fois. C’est devenu une chose habituelle maintenant – comme je l’ai dit, il est plus facile pour lui de prendre un taxi pour venir chez moi quand il est tard. Nous nous réveillons donc souvent dans les bras l’un de l’autre. Mais il ne s’est rien passé d’autre. Et il est tellement adorable et tactile que je peux facilement imaginer qu’il aime juste faire des câlins. Et ces jours-ci … eh bien, beaucoup de jeunes, surtout dans ma ville, sont devenus si habitués à l’idée que deux mecs soient ensemble que je pense que même les hétéros sont beaucoup plus à l’aise avec leur sexualité. Alors peut-être est-ce juste qu’il est amical, et d’une génération différente, plus jeune et plus libre, et qu’il ne s’agit vraiment que de se faire des câlins.
Ou peut-être attend-il désespérément que je fasse un geste ! Comme je l’ai dit, je ne sais pas. Je ne comprends pas les jeunes de ces temps-ci !”
Amour, sexe et tendresse. Je pose ces mots sans savoir encore ce que je vais en dire, mais je sens confusément en moi qu’il faut que j’en parle, que j’ai quelque chose à éclaircir à ce sujet. Amis lecteurs, le croirez-vous que vous allez découvrir ce que j’en dis de la même manière que je vais le découvrir aussi ?
Par quoi commencer ? Par poser les termes peut-être pour y voir plus clair, et par celui qui assurément va faire monter le taux de clics de cette page : le sexe.
Sexe
Nombre de gays ont un rapport au sexe quasi compulsif. L’entrée en relation semble se faire d’abord par le rapport au corps et la possibilité d’une relation sexuelle. Pour certains, cela est ancré de manière si ancienne et habituelle que parler d’amour, même si cela reste l’idéal de tout un chacun, c’est pour ainsi dire parler chinois. La prégnance du besoin sexuel est telle que l’amour, et donc la rencontre réelle des personnes passe à côté.
La fascination pour la beauté du corps masculin n’aide pas. On est fasciné par un corps beau et jeune, un corps qui ne vieillit pas. Or, c’est notre lot commun : nous vieillissons, nos relations vieillissent avec nous. L’attirance sexuelle que je ressens, de manière idéale pour ne pas dire fantasmatique, pour tel corps, se maintiendra-telle à travers les âges ou serais-je sans cesse en recherche de l’autre au corps idéal, tel un rocher qui ramène sans cesse au même point le Sisyphe que je serais devenu ?
Dans le registre « sexe », il y a aussi, cette soif de performance sexuelle et ce désir, rarement assouvi par le corps seul, de plaisir, de goût de vivre, de se ressentir vivant. Mais, si ce n’est qu’avec le sexe, de manière si éphémère, si triste parfois quand la personne avec qui se commet une relation sexuelle ne représente rien à nos yeux… il n’y a pas d’amour, pas de tendresse. Et si, gestes de tendresse, il y a, c’est avec ce sentiment d’usurpation, de fausseté, ou même de dégoût a posteriori, parce qu’ils ne sont pas reliés à l’amour.
Oui, je pense que le sexe seul est triste.
Tendresse
Peut-être est-ce le besoin fondamental de l’humanité. Fondamental au sens de vital, fondamental bien avant l’amour dont il est pourtant une manifestation. Fondamental, parce que même si la tendresse semble sortie des contingences matérielles, elle est à poser à la base de la pyramide de Maslow au même titre que les besoins vitaux : manger, boire, dormir, être en sécurité.
Nous avons tous besoin de tendresse, même les plus carapacés d’entre nous.
Nous en avons eu besoin en notre enfance et nous en avons besoin tout au long de notre vie.
Il est possible que les personnes homosexuelles aient un rapport à la tendresse différent, soit qu’elles en aient eu davantage besoin, soit qu’elle leur ait spécialement manquée, ou pour d’autres raisons encore. Il me semble cependant que tous, quelle que soit notre orientation sexuelle, nous avons besoin et aurons besoin de tendresse toute notre vie même si les modalités peuvent changer.
Pour ce qui me concerne, je sais à quel point ce besoin est présent pour moi. Je ne suis pas totalement dupe que j’ai besoin de la tendresse que je n’ai pas reçue suffisamment quand j’étais enfant avec le risque de connoter toute relation nouvelle de ce besoin de tendresse qui ne lui appartient pas forcément. En clair, j’ai besoin de sentir mon cœur s’épancher envers quelqu’un et sentir un retour à cet épanchement, j’ai besoin que cela se manifeste par des gestes de tendresse, le toucher, les bisous, que sais-je encore ! Autant de marques qui me restaurent dans mon existence, mon plaisir à être là aujourd’hui en relation avec les autres et l’univers, à m’y sentir le bienvenu et à ma place. Mais ce besoin vient de tellement loin, du fond de mon enfance, que le risque est grand de faire jouer à des relations actuelles le rôle de pourvoyeur d’une tendresse autre que celle qu’une relation égalitaire devrait apporter.
A travers la tendresse, c’est la reconnaissance de l’être qui se joue, le droit à exister.
Parce qu’elle peut s’exprimer par l’usage de son corps et donc par des gestes sexuels, il est facile de confondre tendresse et sexualité. Parce qu’elle remue tout l’être dans son entier, il est facile de confondre la tendresse (que ce soit des élans spontanés de tendresse envers quelqu’un, comme la circulation de tendresse entre personnes) comme de l’amour. Le risque de confusion est permanent.
Une des plus grandes confusions pour moi est celle entre l’amitié et l’amour. Ce besoin naturel de reconnaissance et de tendresse qu’apporte et entretient l’amitié peut se fondre dans ce besoin encore plus immense d’exister, d’être touché, caliné, reconnu, et muter en un désir sexuel inapproprié ou se confondre avec l’état amoureux. Les deux semblent si proches…
Amour
Tant de poèmes, tant d’écrits mystiques, tant d’ouvrages sur le sujet. A-t-on jamais fini de comprendre et expliquer l’amour ? Il semble qu’on tourne autour, cherchant des mots pour le dire alors qu’il est au-delà des mots. Il est l’expérience d’une Présence à soi et à l’autre qu’aucun mot ne sait enfermer pour le décrire.
Il me semble qu’une des différences avec la tendresse est que dans cette Présence à Soi et à l’Autre, l’amour nous décentre de nous–même et nous révèle par l’Autre. Bien sûr, quand j’aime, je m’aime moi-même comme aimant – ressentant l’amour donné – et aimé – ressentant l’amour reçu, mais je ne suis pas dans la recherche d’une tendresse qui viendrait confirmer ou nourrir mon être. En tout cas, pas immédiatement. Quand j’aime, je me perds dans l’autre, sa beauté intérieure m’a invité et je me suis allé à plonger dans cet océan infini qui curieusement parle aussi de moi même si je ne m’en aperçois qu’après. L’autre, oui, est cet océan dans lequel je plonge, fasciné, appelé par tant de beauté qu’il s’agirait de ne surtout pas abîmer. Oui je deviens serviteur de cette beauté qui me parle, je deviens « gardien » de mon frère/ ma sœur, au sens biblique.
On peut donc aimer gratuitement. On peut aimer sans retour. On peut aimer solitaire. On peut aimer au fond d’un monastère. On peut aimer l’humanité entière. On peut aimer Dieu, la divinité, le mystère divin. On peut être l’Ami de l’Aimé.
Et puis, il y a ces fois – rarissimes ? – où la beauté infinie de l’autre rencontre notre propre beauté infinie, ces fois où les deux océans semblent se mirer l’un dans l’autre, se reconnaître, s’appeler et s’inviter l’un l’autre.
…
Deux océans qui se reconnaissent. Ou, également, dans mon expérience, deux paix qui s’éprouvent en même temps comme se donnant, et se nourrissant l’une l’autre, et l’une à l’autre sans qu’aucune n’en soit l’origine. Peut-être cela est-il vrai aussi de la Joie telle qu’elle est décrite dans les effusions post Résurrection des premières communautés chrétiennes, cette Joie indicible, communicative, qui se donne, se transmet et fait naître à la découverte fondamentale qu’on est Aimés une fois pour toutes !
Eh bien voilà, je ne savais pas où j’allais en écrivant cet article. Je ne prétends pas avoir tout dit sur le sujet mais j’ai le sentiment d’avoir éclairci quelques points pour moi en les verbalisant. Pour conclure, il me semble important de relever que, amour, sexe et tendresse, souvent les trois sont liés mais peut-être pas dans le bon ordre et que nos besoins fondamentaux d’être aimés et reconnus dans l’amour nous font parfois confondre l’un avec l’autre. A défaut d’être Aimé, (et de s’aimer soi-même ?) donner ou recevoir un geste de tendresse ou se ressentir vivant dans la sexualité… Mais, il me semble, ce n’est pas le chemin. Pas mon chemin.
Je voudrais… si sexe il y a, qu’il y ait d’abord de la tendresse, et, si tendresse il y a, qu’elle ne s’origine pas seulement dans le besoin de l’enfant qui n’en a pas eu assez mais qu’elle soit celle de l’amour qui s’épanche naturellement de l’un à l’autre, ici, maintenant.
La tendresse s’il y a lieu, de même que l’exercice de la sexualité, ne sont alors que des cadeaux conséquents à l’amour donné et reçu vers et par l’autre. Cadeaux, conséquences, pas immédiatement nécessaires, mais donnés et reçus, avec beauté, avec bonté.
Du coup, pour ma part, j’ai envie de faire du #FAUVE, et de dire :
Tu entends l’univers ? Je sais que l’Amour existe, je sais qu’il est fait pour moi. Alors, oui, on a déconné, on a perdu du temps. Mais là j’ai compris, je viens. Je le sais que j’ai besoin d’amour, et je le sais que cet amour, on peut le partager. Alors, tu entends l’univers, j’arrive, je viens. Je le veux cet amour. Je l’attends cet amour complet et irrésistible qui me précède et qui est plus grand que moi, je veux le rejoindre, le goûter et le partager.
Tu entends l’univers, j’en ai besoin. Alors s’il te plaît, donne-moi de le connaitre, de l’éprouver dès ici-bas, à travers l’amour d’une personne en particulier ou à travers l’amour de l’humanité en entier, c’est toi qui vois.
Z – 26/11/2017
Tu nous entends l’Amour? Tu nous entends?
Si tu nous entends, il faut que tu reviennes parce qu’on est prêts maintenant, ça y est
On a déconné c’est vrai mais depuis on a compris
Et là on a les paumes ouvertes avec notre cœur dedans
Il faut que tu le prennes et que tu l’emmènes
FAUVE # BLIZZARD
Tu nous entends l’Univers? Tu nous entends?
Si tu nous entends, attends-nous! On arrive
On voudrait : tout comprendre, tout savoir, tout voir, tout vivre
On cherche la porte du nouveau monde pour pouvoir s’y fondre en grand
Tu nous entends toi qui attends? Tu nous entends?
Si tu nous entends souviens toi que t’es pas tout seul. Jamais
On est tellement nombreux à être un peu bancals un peu bizarres
Et dans nos têtes il y a un blizzard
Comme les mystiques losers au grand cœur
Il faut qu’on sonne l’alarme, qu’on se retrouve, qu’on se rejoigne
Qu’on s’embrasse, qu’on soit des milliards de mains sur des milliards d’épaules
Qu’on se répète encore une fois que l’ennui est un crime
Que la vie est un casse du siècle, un putain de piment rouge
Nique sa mère le Blizzard
Nique sa mère le Blizzard
Tout ça c’est fini