On ne mesure pas l’Amour à sa durée. On mesure l’Amour à la transformation qu’il génère. Parfois les connexions les plus longues font très peu grandir, tandis que les rencontres les plus éphémères, peuvent tout changer. Le cœur ne porte pas de montre – il est hors du temps. Peu lui importe que deux personnes se connaissent depuis très longtemps ; peu lui importe qu’un couple fête sa quarantième année de mariage si la connexion n’a plus d’énergie. La seule chose qui importe au cœur, c’est la résonance. La résonance qui l’ouvre, la résonance qui insuffle la vie, la résonance qui le rappelle chez lui, dans sa propre maison. Et quand le cœur trouve cette résonance, la transformation commence…

Jeff Brown
(traduction Barbara Gardénia)

Source texte : Féminité & Spiritualité
Pour en savoir plus sur le chemin spirituel de Jeff Brown, écouter par exemple l’audio que lui consacre Emmanuelle Labat sur son blog aimaenergy.com ou lire sa transcription ici.

Photo : Le secret de Brokeback Mountain.

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Je vous partage ce poème magnifique d’une jeune fille lesbienne qui proclame sa foi tout en assumant sa lesbianité. Par respect pour l’auteur, je l’ai laissé au féminin et ai choisi une illustration correspondante. En lisant ce poème en anglais, je n’avais pas compris immédiatement que c’était une jeune femme qui parlait (“I’m a gay christian.”) mais au total je comprends mieux encore la solidarité LGBT qu’outre-Atlantique on désigne de plus en plus par le mot “queer” de manière à ne pas insister sur telle ou telle singularité : homme, femme, gay, lesbienne, transgenre, bisexuel-le, asexuel-le… Or, tous ont en commun d’être ressentis comme “étranges”, ce qui est à proprement parler le sens du mot “queer” et la souffrance que chaque population éprouve dans son chemin d’acceptation par soi et par les autres les rend profondément sensibles aux souffrances éprouvées par les autres singularités.

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Je suis une chrétienne gay.

Constamment, je suis étiquetée comme une hypocrite
parce que j’ai confiance en un Dieu qui apparemment
ne m’accepte pas.

Dieu appelle tout le monde à lui.
C’est l’église qui ne m’accepte pas.

Mes prières ne seraient-elles pas été entendues parce que
tous les soirs avant de me coucher, j’embrasse les lèvres d’une femme
au lieu de celles d’un homme?

Quand je m’agenouille devant la croix,
est-ce que je viens juste d’être sale
parce que je me suis également agenouillée
entre les cuisses d’une fille?

Je suis une chrétienne gay.

Chaque jour, on me dit: “Mais la Bible déclare clairement que
le mariage est entre un homme et une femme.
Comment justifiez-vous cela?”

Je pourrais en dire long sur le contexte historique
et la manière de lire entre les lignes.

Est-ce que ma compréhension de la Bible a une moindre
importance que la vôtre parce que vous prenez tout au mot près
et que ma foi me rend certaine que Dieu m’aime toujours?

Quand je lève les mains dans la prière,
est-ce que c’est en vain juste parce que
ces mains tiennent aussi ma petite amie la nuit?

Je suis une chrétienne gay.

Lorsque j’ai fait mon coming out,
j’ai reçu des messages sur Facebook citant le Lévitique,
des versets j’ai entendu mille fois.

Il est facile de se cacher derrière un écran d’ordinateur
pour me dire des choses que je peux vous répéter mot pour mot.

Est-ce que je ne suis pas autorisée dans l’église
parce que vous avez peur que j’essaie de convertir
tout le monde à être quelque chose qui n’est pas votre choix ?

Quand je lis la Bible,
est-ce que je suis incapable de de voir ce qu’elle dit
parce que ma «maladie» l’empêcherait?

Je suis une chrétienne gay.

On m’a dit que j’avais choisi de m’identifier comme gay,
mais, en fait, j’ai juste fait le choix d’accueillir ce que Dieu a fait
de moi pour que je sois heureuse.

La plupart des croyants n’ont aucune idée de ce que vous sentez
lorsque vous êtes attirée par quelqu’un
que vous n’êtes pas censé aimer.

Quand je regarde les yeux de mon aimée,
n’est-ce pas la même chose que ce qu’un homme et une femme
voient dans les yeux l’un de l’autre ?

À mon mariage, je vais commencer à pleurer lorsque je verrai ma mariée
descendant l’allée en blanc, alors dites-moi
que ce n’est pas le même amour!

Je suis une chrétienne gay.

Source : Musings and Rants of a Sketchbook Artist

Photo : extrait d’une vidéo faite par Monkey Business Images

Amour, où es-tu ?

Où es-tu ,
où es-tu,
où es-tu …

Tu es en moi,
je le sais,
je le sens,
je le vis,
et pourtant,
je ne t’accueille pas
totalement.

Tu es en moi,
et je te cherche
désespérément
en dehors de moi.

Qu’y a-t-il,
en moi,
qui me fasse si peur,
que je ne sois pas
disponible
pour t’accueillir,
t’ouvrir la porte
– les portes –
et te laisser entrer,
me submerger,
m’inonder,
m’abreuver ?

Tu es
ma vie,
toute ma vie,
qu’y a-t-il en moi
qui te fuit
encore ?

Amour,
toi qui ne peux pas ne pas être,
toi qui ne peux pas partir ou t’enfuir,
attends-moi, je viens, j’arrive,
je suis là.

Je sais trop
que ma vie n’a pas de sens
sans ta douce présence.

Tu es mon origine
tu es mon but,
tu es la raison
de mon passage
sur cette terre.

Viens maintenant,
en cette humble existence,
viens me libérer de mes entraves
par cette douce présence
et réaliser
ce pour quoi tu m’as voulu
sur cette terre.

Zabulon – 28 juillet 2017

Source photo : Paul Freeman, photographe.

La lettre qui suit a été écrite par David M. Daniel, un jeune écrivain et blogueur américain après des échanges amicaux sur internet. Flatté dans un premier temps qu’on lui dise que ça n’était pas grave s’il était gay, il se rend compte dans un second temps qu’en fait il est touché et que cela a bien plus d’importance qu’il n’y paraît. Au total, c’est une belle leçon sur l’acceptation de soi-même et sur la nécessaire acceptation de l’intégralité de l’autre qu’il nous offre.

Cher Ami,

L’autre jour, nous avons eu une conversation dans laquelle tu m’as assuré que “ça n’avait pas d’importance pour toi que je sois gay”. À ce moment-là, je t’ai dit que je comprenais et que j’appréciais que tu me rassures. Tu as ensuite posé quelques questions sur les raisons pour lesquelles être homosexuel est encore aujourd’hui un si grand problème. Tu as exprimé ta vision du monde dans lequel être gay a la même importance que la couleur des yeux, et tu m’as demandé si ce n’était pas ce que je souhaitais voir arriver. Tu as également développé le spectre de la discrimination inverse et as demandé si c’était ta responsabilité de faire en sorte que quelqu’un, qui se découvre gay, se sente plus spécialement reconnu pour cet aspect que pour d’autres traits qui ont également façonné sa personne (comme ses talents ou ses réalisations).

Tous ces points étaient excellents. Je veux voir un monde où l’homosexualité n’est plus un sujet de préoccupation, et beaucoup moins de discrimination. Je ne veux pas que tu sentes que tu dois être prudent à propos de moi, ou que j’ai besoin de toi pour être sûr de me donner une reconnaissance en étoiles d’or pour mon homosexualité (bien que pour être juste, je suis gay, j’aime les étoiles d’or) à chaque fois que nous parlons. Et je ne veux certainement pas non plus que tu aies l’impression que ma communauté attend d’être mieux traitée juste à cause de notre orientation sexuelle.

Mais après y avoir pensé, et avoir réalisé combien tes mots m’ont piqué, alors qu’à la surface, ils n’auraient pas dû, j’ai enfin trouvé ce que je voulais dire. Et je suis désolé de ne pas avoir eu les mots pour te le dire plus clairement alors.

La raison pour laquelle ça me fait mal quand tu dis que “ça n’a pas d’importance” pour toi que je sois gay, c’est que tu passes à côté de ce que signifie pour moi “être gay”.

La raison pour laquelle ça me fait mal quand tu dis que “ça n’a pas d’importance” pour toi que je sois gay, c’est que tu passes, au moins avec tes mots, à côté de ce que signifie pour moi “être gay”. Oui, je veux vivre dans un monde où un garçon qui aime les garçons ce n’est pas grave, mais la vérité c’est que mes parents ne m’ont jamais envoyé à une thérapie réparatrice pour avoir des yeux noisette. Je n’ai jamais été battu à l’école pour avoir des cheveux bruns. Je ne me suis jamais senti nerveux que mon patron puisse découvrir que j’apprécie Shakespeare et me congédie au grand jour pour avoir assisté à une représentation en direct de l’une de ses pièces.

Mais j’ai connu toutes ces choses en raison de mon orientation sexuelle.

En fait, j’ai beaucoup souffert au cours des années, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, pour le simple fait que je préfère la compagnie intime d’autres hommes.

Et tu sais quoi? Cette souffrance m’a fait beaucoup de bien. Je sais aujourd’hui que je suis une personne plus forte pour avoir survécu à mon adolescence. Et plus que cela, j’ai une compassion profonde et permanente pour les autres qui souffrent comme moi, non seulement en raison de leur orientation sexuelle, mais en raison de toute différence que la société les oblige à cacher.

Encore plus que cela, j’apprécie en moi une certaine créativité et l’amour pour la beauté, ainsi qu’un esprit mélancolique qui fait que beaucoup de gens m’ont étiqueté bizarre ou mou quand j’étais jeune. Maintenant que je connais de nombreux autres hommes homosexuels, je sais que ces traits sont assez communs chez les autres hommes qui s’identifient aussi comme homosexuels. Je ne dis pas que tout est «génétique», mais je dirais que je semble avoir une personnalité assez normalement gay, et j’aime vraiment ces choses à propos de moi. Et toi aussi. Je le sais, parce que tu me l’as beaucoup dit.

Il n’y a pas une seule personne vivante identifiée gay qui n’a pas connu de discrimination, inégalité et peur; en raison d’une caractéristique de sa personnalité sur laquelle elle n’a aucun contrôle.

Je pourrais continuer ainsi, mais ce à quoi je veux en venir, c’est que quand tu dis que je sois gay n’a pas d’importance, j’imagine que ce que tu essaies de dire, c’est que tu te fiches de ce que je fais avec mon pénis. Et la plupart du temps, c’est là que je te trouve, et ça m’est égal de te trouver là. Mais je dois toujours te trouver là. Je dois passer de mon idée de qui je suis à ton idée de qui je suis pour recevoir ton amour. Et si tu me demandes pourquoi je dois faire un tel saut, je vais essayer de te répondre.

Donc, quand tu me demandes pourquoi éviter le sujet de l’orientation sexuelle de quelqu’un est encore un gros problème, je voudrais que tu saches qu’une autre orientation sexuelle ou de genre, dans ce pays, en ce moment, ne concerne pas seulement ce que nous aimons faire avec nos organes génitaux et c’est universellement un «gros problème» pour ceux d’entre nous qui le vivons.

Il n’y a pas une seule personne vivante identifiée gay qui n’a pas connu de discrimination, inégalité et peur ; en raison d’une caractéristique de sa personnalité sur laquelle elle n’a aucun contrôle

Et, du coup, tu ne connais pas une seule personne gay qui n’a pas été façonnée profondément par cette expérience. Je veux, très désespérément, que tu comprennes cela. Il n’y a pas une seule personne gay qui n’a pas été indélébilement influencée par son orientation. Nous avons tous une histoire de coming out (ou une histoire de placard), et beaucoup d’entre nous n’y survivent pas. Je ne veux pas jouer la victime ici, mais il est important pour moi que tu saches qu’être gay, lesbienne, bisexuel ou transsexuel ne concerne pas que moi, mais tous ceux qui sont comme moi, et le fardeau collectif de notre lutte commune.

Oui, un jour, il y aura un monde où cela ne sera pas vrai, mais nous n’y sommes pas encore. Et quand tu dis que cela n’a pas d’importance, ma réaction intestinale est ” Va te faire foutre, bien sûr que ça en a !” (“Fuck you, yes it does”).

Tu ne peux pas m’avoir sans que je sois gay. Tu n’obtiens pas ma compassion sans ma douleur, tu ne gagnes pas ma créativité sans ma vision du monde, et tu ne peux pas toucher mon essence en la séparant de ma sexualité. Dire que le fait que je sois gay n’a pas d’importance pour toi, c’est comme dire que le sucre n’a pas d’importance dans les gâteaux que tu aimes. Ce n’est pas seulement important, c’est une partie essentielle de ce que tu aimes.

Et ce que j’attends de toi, comme quelqu’un qui m’aime, c’est que tu m’apprécies à cause de toutes les parties qui me composent, non pas en dépit de celles-ci. Et plus encore, je veux avoir avec toi ce genre d’intimité où tu sais combien cette sexualité a été importante pour faire qui je suis, et où tu as l’occasion de comprendre que lorsque je m’identifie comme gay, je possède une histoire, et une communauté, et toute un ensemble d’expressions personnelles, et non simplement une préférence limitée dans le temps.

Et quand tu dis que cela n’a pas d’importance, ma réaction intestinale est ” Va te faire foutre, bien sûr que ça en a !”

Enfin, ce que j’espère vraiment, c’est que si je peux me montrer aussi vulnérable pour partager avec toi les vérités difficiles que j’ai apprises sur moi-même et l’importance de mon orientation sexuelle dans la constitution de mon identité, un jour, quand tu rencontreras des gens qui sont gay, tu te souviennes que, qu’ils le sachent ou non, une grande partie de leur étrangeté vient de leurs expériences en tant que gay. Et quand tu te diras que tu les aimes et que tu pressentiras sincèrement qu’en grande partie c’est à cause de ces expériences, tu risques de les choquer et de leur donner comme une tape sur la tête pour avancer sur ce dur voyage d’auto-acceptation que nous traversons tous, nous les êtres humains.

Un jour, j’espère que la phrase, “Ca n’a pas d’importance que tu sois gay, je t’aime pour toi” sera suffisante.

Mais pour l’instant, si tu dois encore différencier mon orientation de mon identité, je pense que “chéri, tu es un enfoiré de gay et je t’aime pour ça” est un avis beaucoup plus sûr.

Avec amour (et un accent particulier sur toutes les choses qui te rendent unique),

David

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Source texte: un article de David M. Daniel, intitulé “Why should it even matter that you’re GAY?” publié sur son blog, www.dmdaniel.com, le 26 janvier 2013.

Source photo : Jake Choi et James Chen dans le film Front Cover

Où est la maison de l’ami ?
(titre persan : Adresse)

C’était l’aube, lorsque le cavalier demanda :
« Où est la maison de l’ami ? »

Le ciel fit une pause.
Le passant confia le rameau de lumière
qu’il tenait aux lèvres
à l’obscurité du sable.
Il montra du doigt un peuplier et dit :

« Un peu avant l’arbre,
il y a une venelle
plus verte que le rêve de Dieu,
où l’amour est aussi bleu
que les plumes de la sincérité.
Tu vas au bout de la ruelle
qui se trouve derrière la maturité,
puis tu tournes vers la fleur de la solitude.
A deux pas de la fleur,
tu t’arrêtes au pied de la fontaine éternelle
des mythes de la terre,
et tu es envahi par une peur transparente.
Tu entends un froissement
dans l’intimité fluide de l’espace :
Tu vois un enfant
perché sur un grand pin
pour attraper un poussin
dans le nid de la lumière,
tu lui demandes :
« Où est la maison de l’ami ?
»

Sohrab Sepehri, poète persan (1928-1980),
Où est la maison de l’ami ? Lettres Persanes, 2005

Source photo : Paysans au Pendjab (www.terraeco.net).