« Qu’est-ce que tu dirais si un homosexuel
te faisait une proposition ? »

Nous avions 17 ans.
Nous nous connaissions à peine.
Le hasard de la vie
nous avait fait nous rencontrer
et immédiatement sympathiser.

Nous parlions de l’actualité,
de nos lycées respectifs,
de nos passions,
et de la Bible.
Tu étais juif, j’étais chrétien,
nous découvrions
que nous avions plein de choses à nous dire.

L’air mystérieux,
tu as voulu ce rendez-vous un peu spécial.
Tu voulais qu’on se rejoigne dans un café
car tu avais quelque chose à me dire
que les autres ne devaient pas entendre.

Le jour dit, à l’heure dite,
j’y suis dans le bar-café
et j’ai dû commander en t’attendant
– un café, bien sûr –
car le serveur n’était pas patient.

Tu es arrivé avec un peu de retard
et j’ai vu que tu n’étais pas comme d’habitude
sans savoir comment l’interpréter.
Tu étais pâle et agité,
les cheveux ébouriffés.
J’ai demandé un café pour toi aussi.
et nous avons attendu que le serveur
fasse son service.

….– Alors, tu voulais me voir ?
……Qu’est-ce que tu avais à me dire de si mystérieux ?
….–  Qu’est-ce que tu dirais si un homosexuel
…….te faisait une proposition ?

Ta question a fusé,
directe et
inattendue.

Je me souviens avoir écarquillé les yeux
en te regardant sans comprendre
et balbutier,
distinctement
mais un peu hagard,
cherchant un répit
pour saisir le sens de ce que tu disais,
beaucoup plus affirmatif
que je ne l’aurais voulu :

« Euh… Eh bien, ça ne serait pas possible… »

Tu t’es troublé,
un voile est passé devant tes yeux,
tu t’es agité.

….– Il faut que je m’en aille.
….– Quoi ? Mais tu viens d’arriver.
….– Il faut que je m’en aille,.. J’ai quelque chose à faire d’urgent.
….– Quoi ? Mais attends…

Mais déjà tu t’étais levé
et précipitamment
t’étais jeté dehors
me laissant là,
pantois,
debout,
sans comprendre.

Et ces deux cafés sur la table
que tu me laisses payer,
moi qui suis pas riche.
Ton café même pas touché.

Je jure
que ce jour-là,
je n’ai rien compris.
Pas même que cet homosexuel
dont tu parlais c’était toi,
et que c’était de toi et de moi,
notre relation,
dont tu parlais.

Dans les jours
qui ont suivi,
je t’ai cherché
comme on cherche un ami
qui vient de disparaître sans raison.
Mais je ne connaissais pas ton nom
ni ton adresse, ni rien de toi,
sinon ton prénom.
Et tu as bien pris soin de ne plus fréquenter
le lieu où nous nous étions trouvés.

Longtemps plus tard,
j’ai compris que tu parlais de toi et de moi.
J’ai compris  que tu me quémandais un peu d’amour
que je n’ai pas su t’apporter.
Le pire,
c’est que peut-être je te l’aurais apporté
si cela s’était passé de manière moins solennelle.

Homosexuel,
c’est un mot que je ne pouvais admettre,
qui ne pouvait pas s’appliquer à moi.
Mais si tu m’avais pris la main
ou si tu avais posé ta main sur moi
ou si seulement tu avais dit
« je t’aime bien »,
si tu m’avais invité dans un lieu plus intime,
chez toi, chez moi, je ne sais pas,
bien sûr
que je voulais bien être ton ami
et que cette amitié pouvait nous emmener
vers plus d’intimité.

Au lieu de ça,
quand j’ai enfin compris
ce que tu demandais
j’ai eu honte de ma réponse,
et me suis inquiété de toi.
Manquerait plus
que tu te sois senti humilié
ou rejeté
alors que c’est juste
qu’on n’est pas sérieux à 17 ans,
qu’on n’est  pas encore soi-même.
J’étais bête, ignare
sur moi-même
et sur les choses de la vie.

Et souvent,
aujourd’hui encore,
je pense à toi.

Z – 24 mars 2025

Photo : Hugh Grant


J’veux pas une relation compliquée.
J’veux pas un plan cul non plus.
J’veux pas des “je t’aime” toutes les minutes.
J’veux des baisers volés.
Au coin de mes lèvres.
Des attentions surprenantes mais cachées.
J’veux pas un bouquet de fleur ou une Ferrari.
Qu’est ce que j’en ai à foutre franchement?
L’amour ça s’achète pas.

L’amour c’est les petites conneries du quotidien, qui sont incompréhensibles aux yeux des autres, mais lui il te connaît bien, et ça t’a fait rire, et t’as pensé toute la journée, le sourire au lèvres, à ce crétin.

J’veux un truc spontané, peut être un peu bancal mais vivant.
J’veux des risques, des incertitudes.
J’veux sentir battre mon coeur tellement fort qu’il menacerait d’exploser.
J’veux des rires, des éclats de rires incessants.
J’veux qu’on redevienne des enfants, qu’on redevienne insoumis.
Insouciants.

J’veux un jeu, quelque chose qui peut basculer à tout instant tu vois.
J’veux un truc qui chamboulera ma vie, qui remuera mon coeur.
J’veux une relation complètement dingue qui nique tous les interdits.
Qu’on s’aime et qu’on se dise “amis”.
J’veux trouver quelqu’un qu’a pas froid aux yeux.
J’veux une personne qui aura du courage pour deux.
Parce que moi à part rêver je sais pas faire mieux.
En ce moment.

©Ash, toujours,
tellement vivant,
tellement inspirant,
tellement stimulant
et dérangeant aussi
parce qu’il te pousse
au bout de toi-même.

source texte : blog tumblr de Ash
source photo : Yiorgos Paraskeva

Je n’en ai pas fini avec toi.
J’ai encore des choses à dire.
A te dire
ou à me dire,
c’est tout comme.

Tu es entré dans ma vie,
tu l’as remplie,
bouleversée
et tu es reparti comme ça
l’air de rien.

Avec la promesse
qu’on se retrouverait
qu’on se reverrait
et que tout continuerait.

Je t’ai cru, moi.
Je t’ai attendu.

Je t’ai attendu
même après que tu m’aies insulté
même après ta mauvaise humeur
ou ta colère qui m’indiquaient
que non seulement tu me rejetais
mais que tu rejetais aussi
notre histoire,
une partie de toi,
une partie de nous,
une partie de moi,
oui…

Et cette béance qui reste.

Cette béance
que je ne sais pas combler
que je n’arrive pas à passer
que je ne peux pas laisser passer…

Cette béance
qui s’invite dans ma vie
même quand je ne le sais pas
même quand je ne le veux pas.

Je t’ai attendu
au delà du raisonnable,
au delà de l’espérance.
Ca semblait si loin
de ce que je savais de toi,
de ta loyauté, de ta fidélité,
de tes valeurs,
de tout toi…

Notre amitié,
elle aurait donc si peu compté
pour toi ?

Je peux comprendre
que tu sois fâché
de la confusion
entre amitié et amour,
entre complicité et affection,
entre tendresse et désir,
mais de là à me rejeter,
et si longtemps ?

Tu as bouleversé ma vie.
Même après tout ce temps,
et tout ce mal,
je n’arrive pas à t’en vouloir.

Tu m’as fait touché le ciel.
Ou plus
exactement
peut-être,
en ta présence je l’ai touché.

Mais non,
ce n’est même pas ça :
Le ciel
est descendu
jusqu’à nous,
Il a surgi de nous
et s’est rencontré
lui-même,
s’est réveillé
et émerveillé
en chacun de nous.

Mais je ne le savais pas.
Je ne savais pas
que ça existait
ce genre de choses-là.

Je ne savais pas
qu’on pouvait faire
ce genre d’expérience
mystyco-amico-amoureuse,
je ne savais pas
que ça existait.

Personne ne m’avait dit.
Encore aujourd’hui
personne ne sait me dire.
Je dois me débrouiller seul.

Et, bien sûr,
que j’étais parfois saisi
d’inquiétude
face à cette chose nouvelle,
cette confusion intérieure
que je percevais parfois
et sur laquelle je ne savais pas mettre de mots.
Mais il me suffisait d’être avec toi.

Très bien. Mais je n’en ai pas fini avec toi.
Je parlerai, moi qui ai beaucoup souffert.
Je le dirai, le proclamerai
que l’amour existe
et qu’il est d’une beauté incommensurable,
d’une beauté telle
que même si tu ne le touches qu’une seconde
cela remplit ta vie
et efface toute autre chose.

Je le dirai
que je t’ai rencontré
et que tu m’as ouvert à l’amour
plus grand que nous,
plus grand que toi,
plus grand que moi,
comme une connexion
à une autre dimension
qui nous dépasse,
qui nous traverse
et nous entraîne.

Et cette béance qui reste
quand tout à coup il semble s’effacer,
comme nous abandonner, m’abandonner…

Cette béance
face à ce vide tout à coup
après qu’on ait goûté la présence
et cette sorte de…
plénitude.

Ca aussi, je le dirai.

Alors,
d’accord,
suis ton chemin
– et je te souhaite qu’il soit heureux !

Et je vais suivre le mien.

Je vais m’enfouir au fond de moi
et rejoindre la plainte lancinante
que tu ne soies pas là.

Je vais trouver cet endroit
où je pleure encore
ta main qui me tient
ton cœur tout donné
ton respir qui se mêle au mien.

Et je vais y puiser
le souffle qui nous traversait
pour continuer à avancer
et faire de ce lien
qui nous rassemblait

une force pour autrui,
une force pour le monde,

une force un peu pour moi
aussi.

Z- 24/02/2025

Photo : Niels Visser sur son compte instagram

Tu as voulu
l’adresse de mon logement
d’étudiant
et,
chaque semaine,
tu as pris l’habitude
de m’envoyer
quelques mots
par la poste.

Rien d’important.
Quelques banalités
qui disaient cependant
que tu pensais à moi.

Je m’y suis habitué.
Sauf à une chose
qui m’a surpris
dès la première fois.

Avant de signer de ton prénom
tu écrivais :
“Bisous”.

Et moi,
dans mon univers,
des garçons
qui se connaissent à peine,
même s’ils sont amis,
ne se font pas
de bisous.

Un jour,
tu l’as vraiment fait,
ce bisou,
en posant tes lèvres sur ma joue.
Rapidement,
mais clairement,
et le regard amusé.

Va savoir pourquoi
tu m’envoyais des bisous
avec quelques mots griffonnés
à la hâte,
apparemment
sans importance…

Moi, je tombais amoureux.

Z- 23/02/2025

Photo : Lucas et Marcus Dobre sur pxfuel

Dure journée, dure période devrais-je dire. Ca fait des mois, des année que l’orage couve et que je ne trouve pas le courage de partir d’un boulot dans lequel je suis maltraité et peu considéré. Un boulot dans une institution ecclésiale, bien sûr ; on est maso ou on l’est pas. Bon, peu importe. C’est mon choix aussi, même si c’est en partie alimentaire et par peur de ne pas pouvoir assurer mes fins de mois.

Encore une brimade, une de plus. Comme c’est la rentrée et que je reviens complètement démotivé, j’en ai gros sur la patate. Alors, j’ai l’idée d’appeler mon ami et collègue X**.

X.** on n’a pas fait les quatre cent coups ensemble mais on se complète (professionnellement) merveilleusement bien. Avec lui, nous avons monté des projets extraordinaires, des projets pour lesquels on nous disait : “non, vous êtes fous, n‘importe quoi, vous n’y arriverez pas”. En général, je suis celui qui a les idées : je vois le projet, mieux, je vois le résultat, je vois même le chemin à parcourir pour y arriver. Mais curieusement je ne sais pas emprunter ce chemin tout seul, je trébuche, je me fais peur, j’abandonne. C’est là qu’X** intervient. Lui, il a les pieds sur terre et une confiance en moi et dans le projet qui m’impressionnent. Il y croit à ces projets, et il a un don pour la logistique incroyable. Alors, ils prennent forme, on se motive l’un l’autre, faut voire com‘ ! Et ça marche !

X** et moi, par les revers d’une des nombreuses réorganisations, on ne travaille plus ensemble. On fait ce qu’on peut chacun dans notre coin. C’est moins brillant que quand on était ensemble mais on fait ce qu’on peut. On tient la maison, quoi.

Alors, comme je me sentais triste et abandonné – tellement marre de ce manque de reconnaissance, de ce manque de respect même : on te paye pour faire un boulot, on t’empêche de le faire et on te reproche qu’il soit pas fait comme ci ou comme ça, entreprise schizophrène ! – j’ai appelé mon ami et collègue X**.

Je n’ai pas encore dit que X** il a une qualité d’écoute extraordinaire dont il n’est même pas conscient. Il n’a pas étudié chez Rogers ou Salomé. X** quand il écoute, il est tellement là, que même derrière son silence on sent sa présence, sa confiance en toi, sa bienveillance, son amitié. Ca fait tellement, tellement de bien.

Je me suis lâché, je lui ai raconté. Ce sentiment de pas être à ma place, ces humiliations incessantes dans lesquelles je vis, ces remontrances de ma hiérarchie qui fait semblant de ne pas comprendre et me demande de m’investir plus, comme si c’était de ma faute et qu’un investissement supplémentaire pouvait arrêter ce mobbying qu’ils sont tous inconsciemment et de bonne foi en train de pratiquer.

J’ai pris congé en le remerciant d’être là, je devais retourner à mon travail qui inclut beaucoup de relationnel. Il m’a dit : « Oui fais ça, qui sait, tu vas peut-être faire une belle rencontre ? »

Et c’est çà qui c’est passé. Oui c’est ça qui c’est passé.

J’ai rencontré des gens heureux de me rencontrer. Des anciens, des nouveaux. Et puis quelques professionnels qui m’ont dit leur envie de travailler avec moi. Avaient-ils saisi ma détresse, mon désarroi ? Ils m’ont encouragé à travailler avec ceux qui me faisaient confiance, avec eux, et à laisser tomber ceux qui n’avaient pas envie et me le faisaient sentir.

Et j’avoue, ça m’a touché.

J’ai les larmes aux yeux en écrivant ce texte. Y’a donc encore des gens qui sont humains sur cette terre ? Putain, que ça fait plaisir. Putain que ça réconforte et que ça console. Pardon pour les gros mots, j’écris tout cru, comme je suis en ce moment.

A travers le tas d’emmerdes que j’ai en ce moment, il y en encore quelques personnes qui me font confiance et qui attendent de travailler avec moi.

Voilà, voilà, voilà, c’est ça la justice.

Je vous emmerde tous ceux qui me jugez, qui me faites du mal, qui faites vos commères, alors que vous ne me connaissez pas.

Et oui, je suis hypersensible, et oui j’en ai marre de jouer l’enfant sur-adapté, et oui je ne me laisserai plus faire.

Merci X**.

Z- 5 sept 2022

source photo : Paddy Mitchell