Tu as voulu
l’adresse de mon logement
d’étudiant
et,
chaque semaine,
tu as pris l’habitude
de m’envoyer
quelques mots
par la poste.

Rien d’important.
Quelques banalités
qui disaient cependant
que tu pensais à moi.

Je m’y suis habitué.
Sauf à une chose
qui m’a surpris
dès la première fois.

Avant de signer de ton prénom
tu écrivais :
“Bisous”.

Et moi,
dans mon univers,
des garçons
qui se connaissent à peine,
même s’ils sont amis,
ne se font pas
de bisous.

Un jour,
tu l’as vraiment fait,
ce bisou,
en posant tes lèvres sur ma joue.
Rapidement,
mais clairement,
et le regard amusé.

Va savoir pourquoi
tu m’envoyais des bisous
avec quelques mots griffonnés
à la hâte,
apparemment
sans importance…

Moi, je tombais amoureux.

Z- 23/02/2025

Photo : Lucas et Marcus Dobre sur pxfuel

 

Il y a une lumière
qui brûle dans mon
cœur,

Mais les mots manquent,
je ne peux pas le
dire.

Je t’aime, je le sais
clairement,

Mais comment le dire
reste inhabituel
pour moi.

Ton sourire qui
illumine mon cœur,

Ton regard qui
illumine mon monde.

Mais quand je me tiens
devant toi, silencieux,

Est-ce que je perds courage,
pourquoi ?

La peur que tu ne partages pas
la même chose,

Que tu brises mon cœur
en morceaux.

Mais sans mots,
cela reste caché,

Mon cœur qui aime,
dans une douleur silencieuse.

Peut-être un regard,
un doux sourire,

Un signe
qui parle d’amour.

Parce que parfois
l’apparence en dit plus,

Comme des mots qui
soupèsent le cœur.

Mais un jour,
plein de courage,

Je parlerai, ça fera
du bien.

Je vais te dire ce qu’il y a
au fond de moi,

Mon cœur, il ne bat que
pour toi.

Flo

Source : texte/image : Florian Teurer

 

Tes yeux sont les yeux d’un homme amoureux,
tes lèvres sont les lèvres d’un homme qui ne croit pas
en l’amour. Alors dis-moi le remède, mon ami,
s’ils sont en désaccord, la réalité et le désir.

Luis Cernuda, La réalité et le désir

 

Tus ojos son los ojos de un hombre enamorado;
tus labios son los labios de un hombre que no cree
en el amor. Entonces dime el remedio, amigo,
si están en desacuerdo realidad y deseo.

Luis Cernuda, La realidad y el deseo

Source Photo : Alexis Salgues, photographe – @alexsphotographe

J’aurais voulu avoir un amoureux. Au primaire, au collège, au lycée. Avoir une belle histoire. Une histoire d’enfant. J’aurais voulu avoir droit à ça. Les mots qui s’échangent sous les tables. Le coeur qui bat plus fort. Les secrets qu’on garde à table, quand on vous pince la joue en vous demandant si on a une amoureuse. J’aurais voulu profiter de ma jeunesse. Ne pas tricher toutes ces années. Ne pas mentir. Ne pas faire semblant. Être qui je suis plus tôt. L’être et l’être heureux. Fier. Et montrer l’étendue des talents que me confère cette identité. Ma sensibilité. Ma joie de vivre. Mon envie folle d’écrire.

J’aurais voulu ne pas me contraindre, ne pas faire semblant pour être “comme les autres”. Ne pas faire souffrir mes parents parce que j’étais malheureux et refusais de dire pourquoi. J’aurais voulu être moi plus tôt. Avoir ce que les autres avaient. Ne pas rire quand j’entendais des blagues méchantes visant celles et ceux qui avaient mille fois mon courage d’être ce qu’ils étaient, sans honte, avec fierté.

Comme ce garçon, à l’école, il s’appelait Nathan. Il était gentil, doux, et pourtant ses gestes, sa voix, son identité, bref ce qu’il était de franc, de vrai, d’authentique, étaient moqués parce qu’on lui collait l’étiquette homo sur le front et qu’il n’a jamais démenti. Parce qu’il a toujours relevé la tête. Il m’a fallu des années pour comprendre combien il était plus libre que beaucoup d’entre nous, libre d’être qui il était et de témoigner par sa seule existence de l’extraordinaire diversité du genre humain.

Vous voyez j’aurais voulu ne jamais me moquer de Nathan avec les autres, devant les autres, pour que les autres ne me soupçonnent jamais d’être qui j’étais. J’aurais voulu ne pas rire de ce garçon, j’aurais voulu ne pas le faire pleurer.

J’aurais voulu être amoureux, enfant. Avoir ce que vous avez tous et toutes eu, enfant.

Qui va me rendre ces années perdues ? Ce qui aurait pu être et n’a jamais eu lieu ? Qui me rendra ce qu’on m’a pris ? Et à ce Nathan ? Qui lui rendra justice ? La vérité c’est que j’ai mal. Que j’ai la haine contre les gens qui nous font ça. Qui nous font faire ça, qui nous rendent comme ça. Ces mêmes gens qui prétendent se battre pour les enfants et qui pourtant mettent dans nos bouches des mots aussi violents.

Mais l’homophobie ce n’est pas seulement quelqu’un qui crie « À mort les PD ! ».

L’homophobie c’est aussi des millions d’existences contraintes, de petits bonheurs universels gâchés, de destinées retardées. Des millions de gens qui ont vécu, vivent, et vivront une autre existence que la leur, une autre vie que la leur, qui marcheront à côté d’eux-mêmes, qui passeront à côté de ce que, au fond, ils étaient destinés à connaître, à aimer, et chérir, et jouir. Ce que nous voulons toutes et tous. Une vie à nous. Une vie qui nous ressemble et nous appartienne.

L’homophobie, la lesbophobie, la transphobie, c’est d’abord des ombres et des millions de vies ratées.

Baptiste Beaulieau

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Extrait d’un article posté sur Facebook par Baptiste Beaulieu. L’article a également été repris sur le blog Alors voilà, et par le média Huffington Post.

Source photo : extrait de “Su historia”, un projet photographique de Nick Fuentes