Ah là là là là … Encore une histoire de vêtement ! (voir ici et ici, et encore ici et )

L’épisode des Rameaux.
Jésus fait demander un ânon. Les propriétaires semblent bizarrement déjà au courant.
(Le texte suggère que c’est bizarre mais si Jésus les avait averti à l’avance, il serait normal qu’il soient au courant et qu’ils acquiescent facilement. Jésus semblait quand même avoir un sacré réseau social. Ce n’est pas juste un solitaire accompagné de quelques marginaux. Il a des disciples, des amis, un réseau. Ces gens savent l’accueillir, le recevoir, répondre à ses demandes.)

Bref, un ânon.
Comme annoncé dans les Ecritures.
Il rentrera dans Jérusalem sur un ânon
aux cris de “Gloire au plus haut des cieux”.
Etrange, ça, non ?
Comme à Noël :
au plus haut des cieux.
Même simplicité.
Même processus d’entrée/naissance :
Dans l’humanité, à Noël.
Dans le lieu où réside Dieu (Jérusalem – Malheur à moi si ma langue t’oublie), peu avant Pâques.
Au passage, la fête des Rameaux rappelle tellement la fête juive de Soukkot*
qu’on peut de demander si la chronologie est exacte.
Peu importe, à vrai dire, c’est le sens qui compte
pour l’évangéliste comme pour nous aujourd’hui.
La fête des Rameaux, comme la fête de Soukkot,
c’est la fête du passage,
de la protection de Dieu alors que nous allons cheminant
sans trop savoir où nous allons.

Mais revenons à nos ânons,
dont il est finalement assez fait peu cas dans les Ecritures
sinon dans le livre des Juges et le livre de Zacharie
pour désigner la simplicité, l’humilité,
de celui qui agit au nom de Dieu.
Les juges sont repérés par leurs ânons (Jg 10, 4 et Jg 12,14).
Le Messie viendra sur un ânon (Zac 9,9)
– Eh oui, pas sur un cheval de guerre !

Bon, une affaire de vêtements disais-je…
Ben oui parce que les disciples enlèvent leur vêtement-de-dessus (himation)
pour qu’ils servent d’assise sur l’ânon pour Jésus.
Donc…euh…ils se retrouvent soit en vêtemnts de dessous (caleçons) soit tout nus
– usage largement répandu à l’époque !
Et puis, la foule aussi s’y met :
elle enlève ses vêtements de dessus (himation)
pour lui tracer un chemin,
à lui, Jésus, sur son ânon.

Oh que j’aime ces histoires de vêtements
que personne n’ose regarder et interpréter.
Interpréter, c’est risquer de se tromper ;
alors contentons-nous de constater :
ils enlèvent leurs vêtements,
d’abord les disciples, puis la foule.
On arrête de faire semblant.
Pas possible de faire entrer le maître de la vérité
sur un tissu de masques et d’apparences.
Déshabillons-nous de ce qui nous empêche d’être vrais !

Au plus haut des cieux,
oui, on doit se réjouir,
que certains hommes aient enfin compris
que l’authenticité apporte plus que l’apparence.

Le roi qui rentre à Jérusalem en ce moment,
il ne prend ni ne convoite aucun pouvoir.
Mais ils foule aux pieds les masques et les apparences
dont lui font hommage les disciples et la foule,
tous les vêtements de dessus,
ceux qui nous donnent bonne figure
et cachent qui nous sommes vraiment,
ceux qui nous permettent de jouer un rôle social
fait de pouvoir et de puissance sur les autres.

Moi qui suis vrai
et qui viens te provoquer dans ta vérité,
je me balade sur un ânon.
Voilà ma puissance.
Et toi quand tu es vrai,
c’est quoi ta puissance ?
Sous tes beaux habits
sous tes apparences,
sous tes masques,
tu es qui ?

Tu es prêt à me recevoir ?

Z – 12/04/2025

(*) Soukkot : fête des cabanes, traditionnellement célébrée à l’automne pour se souvenir de la protection de Dieu durant le temps où l’on vivait dans des cabanes ou des huttes faites d’herbes et de bois durant la traversée du désert après la fuite d’Egypte.

Source image : Chat GPT (avec ses limites !)

Lorsque (les fils de Jessé) arrivèrent et que Samuel aperçut Eliab, il se dit : “Sûrement, c’est lui le messie, lui qui recevra l’onction du Seigneur!” Mais le Seigneur dit à Samuel : “Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le coeur.” (1 Sam 16, 6-7)

Le regard divin est libre de tous les déterminismes, pensées toutes faites ou habitudes solidement établies. La leçon vaut pour tous les temps et tous les hommes désireux de le suivre.(…) Le critère du choix de l’élu ne se fondera jamais sur “l’apparence” – fût-elle séduisante – mais bien sur la qualité du coeur.

Encore faut-il ne pas se méprendre sur ce que représente l’organe cordial dans la pensée biblique. Plus que la vie affective, le coeur est le centre de l’être, le lieu où l’homme dialogue avec lui-même et avec Dieu. C’est là et en cette présence que s’opèrent ses choix décisifs. En quelque sorte, Dieu regarde avant tout le lieu dans lequel Il célèbrera ses noces avec l’homme ! une chambre nuptiale qui doit être large et ouverte, dénuée d’a-priori, de raisonnements et de mentalisations en tout genre – fussent-elles les plus saintes.

Frère Irénée, moine à Chevretogne
La Vie, 23 mars 2017

Source photo: Photo prise par Thomas Knight

 

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Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat
et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues,
et les places d’honneur dans les dîners.

(Marc 12,38)

 

Vêtement d’apparat, vêtement d’apparence…

Décidément ! L’aveugle lâche son manteau pour se laisser propulser à Jésus, les scribes eux revêtent « un vêtement d’apparat ». Ne vous y trompez pas, dit Jésus, dans cette longue tirade sur l’hypocrisie et les impasses auxquelles mène le fait de miser sur l’apparence.

 

L’apparence est trompeuse pour soi : on finit par y croire, c’est tellement plus facile et agréable d’adhérer à l’image idéale de soi ; mais elle est aussi trompeuse pour les autres. Cela paraît encore plus grave lorsqu’on est chargé de donner l’exemple et d’accompagner ou conduire les autres à Dieu. D’où probablement ce jugement sévère de Jésus à l’encontre de ceux qui se promènent en « vêtement d’apparats et aiment le salutations sur les places publiques » (Mc 12,38).

 

Etymologie grecque 

Le mot grec qui a été traduit par « vêtement d’apparat » est stole, il désigne les longues robes que les prêtres, rois  et toute personne d’importance portent à l’occasion de l’exercice de sa fonction, pour en montrer la dignité. Mais c’est aussi le terme qui a donné en français le mot « étole », étant entendu qu’il ne s’agit pas à l’origine d’une bande de tissu en forme d’écharpe mais d’un grand habit qui recouvre, attaché ou pas, et qui indique la dignité de la fonction qui est exercée. Il faut imaginer que les étoles liturgiques primitives ressemblaient davantage à des chasubles qu’aux étoles actuelles des prêtres et diacres.

 

Poursuivons. Ce qui est intéressant, c’est que stole vient du verbe stello qui, en grec, a plusieurs sens. Polysémie très riche dans laquelle nous n’allons pas choisir :

  • D’un côté, il renvoie à l’idée d’ajuster, arranger, mettre de l’ordre, s’équiper ou se préparer. Mettre cette robe, c’est donc afficher clairement une fonction, se préparer et s’arranger pour exercer cette fonction. C’est le sens de l’étole liturgique.
  • D’un autre côté, le mot est employé pour désigner une mise à distance, une séparation. En 2 Th3, 6 Paul recommande de s’éloigner (stello) de tout frère qui mène une vie désordonnée et n’applique pas les règles ou conseils reçus.

En 2 Co 8, 20, c’est le mot que Paul emploie pour signifier qu’il se met à part des collectes d’argent qu’il a à gérer. On le traduit habituellement par « nous agissons ainsi afin d’éviter que… ». Bel exemple qui montre la polysémie active du verbe stello, polysémie évidemment intraduisible par un mot à mot : à la fois “agir, s’arranger, prendre des mesures pour”, et “se mettre à distance, se séparer, s’éloigner”.

Outre ce passage, dans le Nouveau Testament, le terme stole est utilisé pour désigner la robe dont on revêt le fils prodigue qui rentre chez lui (Lc 15,22) , c’est également le vêtement du jeune homme qui reçoit, au tombeau vide,  les visiteuses du matin de la Résurrection (Mc 16,5). Et surtout, il revint cinq fois dans l’Apocalypse pour désigner les robes blanches revêtues par les uns et les autres, ou lavées du sang de l’agneau (Ap 6,11 ; Ap 7,9; Ap 7, 13; Ap 7,14 ; Ap 22, 14).  Stole désigne donc un habit insigne. On est revêtu de la beauté et de la dignité de Dieu. Depuis la Résurrection, revêtu d’un vêtement resplendissant, blanchi dans le sang de l’agneau.  Qu’ils sont de piètres singes, ces scribes qui paradent sur les places publiques croyant  être devenus importants parce qu’ils se réclament, par leurs habits et leurs manières, d’une dignité qui n’est pas la leur.

 

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Revêtir la stole, c’est rendre Dieu présent à tous

Revenons à stole, notre vêtement d’apparat. Il s’agit donc d’une grande robe que l’on revêt parce qu’on va exercer une fonction sacrée, elle indique non pas tant la dignité de la personne qui l’exerce que celle de la fonction exercée. Mais alors, il ne faudrait pas que le porteur de la stole en vienne à vouloir capter la dignité de cet habit pour lui. Ce serait une tromperie. Une tromperie d’autant plus dangereuse que ce seraient ses faiblesse humaines qui seraient alors mises en avant et comme « sacralisées », alors que revêtir la robe veut au contraire montrer que le porteur s’efface derrière la dignité, la pureté, de la fonction.

Revêtir cette robe sépare aussi, elle met à distance. Mais encore faut-il bien comprendre. Il ne s’agit pas d’une mise à distance du commun des mortels par rapport à celui qui porte la robe. Cela n’aurait pas de sens. Si l’on tient le premier sens qui est celui de revêtir une dignité qui ne nous appartient pas, c’est pour justement montrer que le Tout Autre, Celui de qui on ne peut s’approcher qu’avec crainte et tremblement, se rend proche. Se rend proche de tout un chacun.

Revêtir la stole, c’est rendre Dieu présent à tous.

Voilà pourquoi Jésus est si dur avec ceux qui, loin de rapprocher le peuple de Dieu, contribuent à l’en éloigner. Ils sont une caricature de la relation que Dieu veut avoir avec son peuple. Ils ont détourné le sens de leur fonction. Portant la stole, ils étaient censés manifester la présence de Dieu au milieu de son peuple, et au lieu de cela, par des comportements hautains, pétris d’ego, ils découragent le peuple.

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Encore une affaire de vêtement…

 

Bref, encore une affaire de vêtement. Non pas que Jésus fasse ici l’apologie de la nudité ou du naturisme. Mais entendons bien le message : le vêtement trompeur peut illusionner autrui et le conduire à l’erreur. C’est à la fois une perte de temps et une question pour notre responsabilité.

 

Ne pas être vrai avec soi-même, s’illusionner sur le mérite que l’on a ou que l’on n’a pas, se croire purifié par le revêt d’une fonction si noble soit-elle, c’est aussi une erreur. Bien plus grave, à vrai dire, puisqu’elle est intérieure, intime, et qu’elle fausse notre relation au Seigneur. Comment allons –nous le reconnaître quand il viendra, si dans nos fatras quotidiens, nous avons cru déjà être méritants et arrivés ?

 

Sous ton vêtement, tu es qui?

 

Ailleurs, Jésus recommande de se méfier de « l’argent trompeur ». Ici, en quelque sorte, il recommande la même chose avec le vêtement qui éloigne de Dieu : méfiez-vous du vêtement trompeur, ou, plus exactement, de votre manière de le porter de manière trompeuse.

Finalement, la question est toujours la même : sous ton vêtement, sous ton apparence, tu es qui vraiment ? Ou peut-être faudrait-il préciser : tu es à qui ? A toi-même, tes désirs de grandeur, ton apparat, ta propriété privée? Ou, es-tu libre et disponible pour ton Seigneur?

 

Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat
et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues,
et les places d’honneur dans les dîners.

(Marc 12,38)

 

 

Z- 8/11/2015