Je suis à nouveau avec cette question : maintenant, que faire ?
Il m’a fallu du temps pour accepter mon homosensibilité, pour constater qu’elle n’était en rien incompatible avec le fait d’être chrétien.
Et je partais de loin.
Avec cette idée introjectée par je ne sais quel mécanisme et quels conditionnements qui m’ont fait repousser l’homosexualité comme étant anormale et dangereuse pour moi depuis aussi loin que je m’en souvienne. Et cet enfoncement dans un déni terrible, barricadé de partout, qui m’ôtait l’accès à une partie essentielle de moi-même puisqu’il s’agissait de qui j’étais.
Mais pas qui j’ étais dans un détail futile, vous comprenez, qui j’étais dans ce qu’il y a de plus précieux en moi. Ma capacité à aimer, à me recevoir et à me donner, à exprimer et à accueillir de la tendresse et de la douceur. Tout ce qui fait qu’un être humain est à l’image de Dieu (« Apprenez de moi que je suis doux…et humble de cœur » dit Jésus).
Bref toute une vie amputée de moi-même dont je ne vais pas dire qu’elle est gâchée mais durant laquelle, en termes d’affectivité, d’authenticité et de don de soi, j’ai perdu du temps que j’aimerais aujourd’hui rattraper.
Las ! Les années ont passé… Pour ce qui est d’une rencontre amoureuse, c’est devenu bien compliqué, et peut-être n’y crois-je pas assez. Je suis encore amoureux du souvenir de l’ami de la fin de l’adolescence, qui, sans le savoir, m’a révélé à moi-même, à ma capacité d’aimer, de me donner. Et cela semble si loin que je ne sais si cette « magie » peut se reproduire. En tout cas, ce n’est jamais arrivé depuis.
C’est bizarre que je parle de cela. En commençant cet article, ce n’était pas mon intention. Je voulais parler de l’acceptation, certes, mais de ses conséquences surtout.
Donc je suis gay et chrétien. Très bien. Je n’ai pas besoin de le crier sur les toits ni de le montrer ostensiblement. En tout cas, pas tant qu’une vie sociale ne me l’imposerait, par exemple en cas de conjugalité.
Je suis gay et chrétien. Et tout est bien. C’est si simple, finalement. Pourquoi donc m’en suis-je fait un problème pendant des années !
Je me suis demandé un temps si d’être gay changeait la manière d’être chrétien. J’aurais pu me demander aussi si d’être chrétien changeait la manière d’être gay. Je voulais me rassurer, j’imagine, en me posant ce genre de questions. La vérité est qu’on s‘en fiche pas mal, n’est-ce pas ?
Et je me retrouve avec ce blog qui a eu en quelque sorte la vertu thérapeutique et spirituelle de m’aider à accoucher de moi-même et je ne sais plus quoi faire avec.
Je n’ai pas envie d’en faire un blog de pieuserie. Certes, j’aime lire les Evangiles et assez souvent j’ai partagé ma compréhension et ma méditation des Ecritures. Soucieux de vérifier pour moi-même, et de partager aussi, qu’il n’y a rien dans les Evangiles qui justifie le rejet de l’homosexualité. Mais qu’est-ce que cela a d’original ou même d’intéressant ? Chacun est capable d’accueillir la Parole et la laisser le transformer.
Je voudrais bien partager des choses intimes comme par le passé, des choses qui ont pu toucher certains lecteurs, parce que j’arrivais à mettre des mots sur des choses vécues aussi par d’autres qui n’ont peut-être pas cette facilité à mettre en mots. Mais la vérité est qu’en ce moment, je suis sec de tout ça. Pas inspiré. Pas dans cette énergie diraient les gens du « développement personnel ».
Reste ce constat qu’ici ou là, il existe encore des chrétiens, jeunes ou moins jeunes, qui vivent mal la découverte de leur orientation sexuelle, qui se croient malades ou pécheurs, ou – pire – damnés, et cela m’afflige énormément. J’avoue que maintenant que j’ai franchi le pas de mon acceptation, j’ai du mal à croire que cela soit encore possible. Et pourtant c’était moi il y a encore si peu de temps ! Je dois lutter pour me rappeler qu’il y a des frères et des soeurs qui sont encore dans le combat que je viens de traverser et qui, une fois passé, semble pour moi comme s’évanouir, comme s’il n’avait jamais existé, ou en tout cas comme s’il n’avait aucun intérêt.
Il y a aussi la bêtise de ceux qui utilisent la Bible ou leur représentation de la foi chrétienne pour condamner les autres. Et là, j’avoue que quelque chose en moi s’indigne. Un feu qui couve encore s’attise, se rallume et a envie d’éclater en mille incandescences pour montrer la vanité et la futilité de tous ces pseudo-arguments qui ne traduisent que les peurs ancestrales de la non-survie de l’espèce.
Que faire ? Les associations « gays », dans leur approche communautaire, forcément limitative, ne m’attirent pas. Je l’ai déjà dit je préfèrerais une église inclusive dans laquelle les uns et les autres se fréquentent et se parlent. Je n’ai pas envie que mes loisirs, mes intérêts, ma vie entière ne se passent qu’avec des gays !
Que faire ? Je tiens à mon anonymat. M’engager plus loin, pour des raisons de légitimité à parler comme je le fais, m’obligerait à toujours plus me dévoiler.
Oh que ce n’est pas simple. Se taire, je ne peux pas tout à fait m’y résoudre, faire plus je ne sais pas si j’en suis capable. Pas seul, en tout cas.
Je suis comme ce garçon sur cette image. Capable de me dénuder, de danser comme au soleil et de lancer des perches à droite à gauche, tisser des liens, mais c’est comme à l’abri des regards et pour un cercle d’initiés. Et cela ne me convient pas tout à fait non plus.
Voilà. J’avais envie de partager tout ça pour donner un peu de nouvelles. Vous êtes plusieurs à attendre patiemment que je publie, à me demander de le faire, parfois. Et c’est devenu difficile sans que je sache pourquoi. Je ne sais plus bien ce qu’ « on » attend de moi. « On » est un c**, n’est-ce pas ? Ce n’est pas à quelqu’un de me dire ce que j’ai à faire. Mais jusqu’ici je sentais comme une force en moi qui me travaillait et avait besoin de jaillir et s’exprimer. Et aussi douloureux que ce soit, c’était une force de vie, et il était facile de la laisser s’exprimer comme étant la volonté bonne de Dieu pour moi et pour d’autres.
Mais là, tout est calme.
Ce n’est pas qu’elle n’est plus là. Oh non ! Je sens bien encore en moi cette puissance prête se réveiller et à aller plus loin. Mais pour le moment, elle dort, ou prépare d’autres choses, qu’en sais-je ? C’est curieux cette manière d’en parler comme si elle était autre que moi, n’est-ce pas ? Car cette force est pourtant une partie de moi que j’assume et revendique.
Et c’est bien ce qui me rend actuellement perplexe. C’est comme si elle s’était rendormie après que le travail ait été fait. Et pourtant je sais bien plusieurs choses : que mon chemin n’est pas terminé, qu’être homosensible n’est toujours pas si simple, que la bêtise homophobe est toujours là, et je sais aussi que certains d’entre vous m’attendent.
Bon. Je sais tout ça. Mais il va falloir être patient. Vu que je n’ai pas la réponse à cette question, même après avoir écrit ce long texte – parfois l’écriture se révèle chemin et la réponse vient chemin faisant – à cette question : Maintenant, que faire ?
En attendant, bonnes vacances !
Z – 13/07/2020