Et si l’amour est un miroir
Je suis loin
D’être prêt
à y faire face

… …
… …

J’attends
celui ou celle
avec qui ce serait évident
et…
facile.

Ces mots sont empruntés à Lance Priester. Il faut les accueillir avec l’authenticité avec lesquels il les prononce, dans cette magnifique chanson : “Je m’imagine”. Au début de la chanson, quelques imperfections de texte ou en tout cas un tâtonnement entre le texte et la mélodie peuvent dérouter mais au fond, à écouter et réécouter cette chanson, ils lui donnent aussi son charme en faisant ressortir la fragilité, la vulnérabilité du personnage incarné dans cette chanson. Puis la voix prend son envol et Lance va chercher au fond de lui les émotions qu’il exprime avec intensité au service de ce beau message. Le plus de Lance, c’est cette capacité qu’il a d’habiter un mot qui pourrait être banal si on ne faisait que le lire et à le rendre vivant.

Si vous passez par là et que vous venez à lire cette page, s’il vous plaît écoutez cette interprétation jusqu’à bout, la dernière syllabe, la dernière note. Peut-être aurez-vous envie de pleurer, ou de rester en silence, ou de revenir à cette chanson et déjà vous l’écouterez différemment car elle vous habitera et tracera un chemin depuis vos entrailles qui s’ouvre sur autre chose que les mots prononcés.

Pour découvrir la chanson en entier c’est soit sur spotify soit sur youtube :

Source photo : photo proposée par Edgar Pereira sur Unsplash.

Et s’il s’avère que je passe
par toi
pour me trouver, moi,
c’est qu’il y a en toi
quelque chose de moi
que le soi, l’être universel,
a probablement déposé là,
quelque chose de commun
qui nous met chacun sur notre route,
– peut-être la même.

Pour un soir, un jour, pour la vie,
voilà de l’eau et du pain,
voilà de la substance, de l’esprit,
pour continuer chacun son chemin.

C’est un peu comme une carte au trésor.
Tu cherches, tu trouves, tu t’extasies,
tu partages ou tu gardes pour toi.

Tu t’ouvres à toi-même,
et l’autre est là
qui s’ouvre à lui-même aussi
peut-être.

Un jour,
j’ai rencontré celui qui m’a éveillé
à l’amour.
Il m’a laissé aller,
Il a pris son propre chemin.
Mais, quelque que part en moi,
il s’est créé un espace
que rien d’autre n’a pu combler depuis.

Le lieu de notre rencontre,
le lieu où se rencontrer soi
et rencontrer l’autre
sont la même chose.

Un espace qui reste ouvert.
Tant mieux si d’autres en profitent.
Mais toi, l’ami qui a ouvert cet espace,
tu y es éternellement
le bienvenu.

Z – 20/05 et 31/05/2024
(Ce texte prolonge le précédent).

Photo : Carlos Santollala et John Tuite photographiés par Ruben Tomas dans le magazine Behind the blinds (août 2015).

“Bien peu de personnes sont conscientes de ce qui a cours dans l’expérience amoureuse qu’elles vivent. Les intéressés diront en effet :”J’ai trouvé le grand bonheur : j’aime et je suis aimé!” Mais le bonheur ressenti alors ne vient pas de ce qu’ils sont aimés, mais de ce qu’ils sont mis en contact avec leur propre mystère par l’intensité d’un regard qui s’est arrêté sur eux. (…) C’est là que se cache le secret du grand amour : être mis en contact avec son propre mystère par l’intensité d’un regard posé sur soi. c’est là un premier seuil. Il te faudra un jour y parvenir par toi-même, sans l’aide du regard extasié de l’autre. C’est là le deuxième seuil. Enfin, le troisième seuil est celui de ta rencontre, non plus avec un humain, mais avec Dieu découvert au fond de ton mystère.”

Yves Girard, Baiser à baiser .

Dans Baiser à baiser , l’auteur, moine cistercien au Québec, livre une méditation, et même une initiation spirituelle, à partir du commentaire de Guillaume de Saint-Thierry, moine cistercien du XIIè siècle, sur le Cantique des Cantiques. Guillaume commence ainsi : “Qu’il me baise d’un baiser de sa bouche ! C’est fini ! Je ne veux plus de baisers étrangers (Dieu qui lui parle par l’Ecriture, et les prophètes). J’exige d’être enseigné ouvertement sur Dieu, face à face, les yeux dans les yeux, baiser à baiser.”

Photo : Armie Hammer et Timothée Chalamet, acteurs de Call me by your name.

Rien ne laisse plus intranquille qu’une rencontre. Qu’elle génère de l’agacement, de la passion, un trouble, une reconnaissance, une dette, une familiarité inédite, une étrangeté dérangeante, la rencontre laisse dans son sillage un visage et des questions irréductibles. Questions légères qu’on aura semées au premier virage, questions lancinantes qui nous hanteront longtemps : qui est cet autre dont je n’arrive pas à oublier le visage et dont les paroles me rattrapent dans le silence ? Qu’est-il venu semer dans ma vie? Un renouveau salvateur, une confusion qui me menace gratuitement ? On ne sort jamais indemne de l’épreuve d’altérité, à moins bien sûr de toucher sans se laisser toucher, de parler sans entendre en retour, de contourner ce qui en l’autre est inédit.

Marion Muller-Colard, L’intranquillité.

Source photo : pinterest

Un jour j’ai rencontré dans une de nos rues,
une rue de banlieue qui n’avait vraiment rien d’héroïque,
un homme
dont j’aurais cru volontiers qu’il était un ange de passage,
et qui n’était en réalité qu’un pauvre gars pensionnaire à l’hospice.
Mais cet homme que j’ai vu passer
m’a expliqué et, mieux que beaucoup de livres,
m’a démontré
ce que c’est, la véritable pauvreté
de celui qui doit aller, léger, dépossédé,
dans votre esprit.

Il avait des vêtements très ordinaires,
des vêtements qu’on ne remarquait pas.
Ses yeux regardaient droit devant lui,
avec une limpidité qui se communiquait aux choses.
La rue entière en était rajeunie,
et semblait exister pour la première fois.
Il ne portait rien dans ses mains.
Ses poches étaient plates et semblaient légères et ses deux mains
étaient ouvertes et flottaient dans l’air autour de lui.

Peut-être était-il un peu fou.
Et pourtant il était comme une leçon de sagesse.
Tout son travail semblait d’aller, de passer parmi les choses
et les hommes.
il était à lui seul comme une parabole,
comme un signal de véritable pauvreté.
“Car si vous aimez seulement ceux qui vous aiment”…
vous n’aurez pas besoin d’aller…ils viendront à vous.
Mais si vous aimez ceux qui ne vous aiment pas…
il faudra tout le temps marcher à leur rencontre.

C’est la pauvreté de celui qui va.

C’est inouï le nombre de choses qui nous empêchent d’être agiles, d’être légers.
On ne s’en rend pas compte, mais
si du jour au lendemain, nous étions dépossédés,
nous nous trouverions voisiner spontanément avec tout un tas de gens qui nous paraissent habiter au bout du monde.

Madeleine Delbrêl
Pauvreté de celui qui va, Méditation, 1946-1948.