Cette photo partagée sur twitter sans qu’on en connaisse l’origine exacte m’amuse beaucoup.
Au fond si je l’avais eue le 1er mai, c’est celle que j’aurais mise pour appuyer l’extrait de psaume que j’ai cité et signaler la fête du travail. Au lieu de quoi, j’ai publié une belle photo, certes, mais idéaliste, naturaliste, nous ramenant au rêve archaïque d’un retour harmonieux à une ère qui n’existe pas et qui peut-être n’a jamais existé. Un monde sans problèmes, un monde où il suffirait d’aller cueillir ou chasser quand on en a besoin pour que mère nature nous accorde avec abondance ce dont nous avons besoin. Mais alors pourquoi l’homme a-t-il migré de sa zone géographique originelle ? Pourquoi les rivalités, les guerres, les pillages, les exclusions, l’injustice, la misère… qui nous accompagnent jusqu’à aujourd’hui.
Cette photo m’amuse parce qu’elle montre la dichotomie qui traverse nos vies.
Besoin de relations sociales et, en même temps, marre de jouer un rôle social.
Besoin de me protéger en public, de porter un masque,
et besoin d’être moi jusqu’à ma nudité la plus parfaite.
Besoin de “gagner” ma vie, mais besoin aussi de vivre.
Il est trop tôt encore pour dire si ce confinement et les usages de télétravail qu’il a tout a coup permis et amplifiés vont changer durablement le rapport que nous allons avoir au travail.
Mais cette photo, davantage comique que tragique, dévoile ce grand écart entre vie personnelle et vie professionnelle. J’aurais pu écrire “vie privée” et “vie publique” mais en quoi ma vie personnelle devrait être forcément privée et en quoi ma vie professionnelle devrait être forcément publique ? Ce n’est pas si simple, au fond.
Si je veux reprendre ma vie en mains, et comme de nombreuses personnes m’affranchir du salariat, par exemple, et créer mon activité, vivre d’une activité qui me plaise et concourt à mon épanouissement, je suis à la fois dans le privé et le public. Je fais des choix professionnels pour des raisons privées et ma vie privée, qui je suis,vraiment, va se déployer dans ma vie professionnelle.
Qui je suis vraiment. Voilà, encore une fois, la seule question qui vaille. Qui je suis vraiment et comment j’honore l’être que je suis en lui laissant la place.
Bien sûr, je ne suis pas seul au monde. La pudeur et la vie sociale m’imposent de m’adapter aux besoins et nécessités des autres. Et je n’ai pas de réponse toute faite à cela.
Finalement, cette image est quand même d’un humour tragique. Elle vient m’alerter sur ce qui est en dissonance en moi. Après tout, si je vis bien cette dichotomie, comme certains vivent bien le fait d’avoir une double vie amoureuse et sexuelle, tout va bien. Pourquoi en dire plus ? Personnellement, j’aspire à plus de vérité et d’unicité dans mon existence. Alors cette photo m’amuse et m’attriste en même temps. Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour vivre en société !
Au moins là, le corps social a son dû, celui de l’apparence. Et l’existence réelle l’a aussi.
Il n’y a pas mensonge, juste jeu de rôle.
Parfois, on est juste lassé de jouer un rôle.
Z. 5 mai 2020